Un avis du Comité de l’Abus de Droit Fiscal rendu sur une affaire examinée lors de sa séance du 6 novembre 2015 (n° 07/2015) a retenu notre attention, alors pourtant qu’il s’agit d’un nième redressement en matière de « Management Package », où l’administration a remis en cause le régime d’exonération dont avait bénéficié un cadre dirigeant lors de la cession de BSA et d’actions qu’il avait inscrit sur son PEA, au motif qu’en procédant à l’inscription en cause, le contribuable avait transféré sur son PEA une rémunération déguisée en plus-values.

Le Comité a donné gain de cause à l’administration en observant que le contribuable avait acquis en décembre 2007 ses bons et ses actions sur la base de la valeur de la société telle qu’elle résultait du LBO réalisé un an et demi plus tôt. Or, compte tenu des opérations survenues depuis, la valeur des titres avait déjà augmenté, de sorte qu’en acquérant ces derniers pour une valeur nettement inférieure, le contribuable n’avait pas supporté le risque d’investisseur.

La solution, classique, ne nous surprend guère. L’intérêt de cet avis se situe ailleurs, dans la phrase suivante : « Le Comité note qu’il n’est pas allégué et qu’il ne ressort d’ailleurs d’aucun élément porté à sa connaissance que la décision d’investissement aurait été prise par le contribuable ab initio en 2006 et que le débouclage de l’opération d’investissement, intervenu seulement le 11 décembre 2007, aurait résulté du temps nécessaire à la finalisation de cette opération ».

Il est rare que le Comité, qui émet des avis argumentés mais d’une grande concision, mentionne un argument à décharge qui ne lui a même pas été présenté par le contribuable. Nous pensons toutefois avoir l’explication de cette curiosité.

Le 19 mai 2011, le Comité de l’Abus de Droit Fiscal a rendu un avis favorable au redressement dans une affaire n° 2010-10 où l’administration avait remis en cause l’exonération d’une plus-value de cession d’actions que le contribuable avait inscrites sur son PEA au motif que l’acquisition des titres s’était effectuée pour une valeur de convenance.

Dans cette affaire que défendait notre cabinet, l’administration s’était fondée sur la circonstance qu’une semaine avant l’acquisition litigieuse, un investisseur financier avait acquis 15 % du capital de la même société pour un prix plus de 20 fois supérieur à celui de notre client. Pour expliquer cet écart, nous faisions valoir que notre client et ses futurs associés s’étaient mis d’accord sur le prix 6 mois plus tôt, à l’époque où il constituait un prix normal puisque la société venait juste d’être constituée, mais que la finalisation de l’opération avait tardé car elle supposait qu’il parvienne à convaincre les actionnaires de la société qu’il vendait à la société dont il acquérait corrélativement 10 % du capital de vendre leurs titres. En effet, son acquisition ne pouvait se faire – et c’était une condition de la négociation globale – que si la totalité des titres de la société qu’il vendait étaient cédés, sachant qu’il n’en avait pas la majorité et que deux fonds d’investissement étaient dans son capital.

Le Comité avait balayé l’argument en relevant qu’aucun accord formel sur la cession au prix considéré n’avait été juridiquement conclu lors des discussions intervenues 6 mois plus tôt, alors pourtant que notre client produisait des échanges de mails parfaitement explicites quant aux intentions des protagonistes, ce que reconnaissait d’ailleurs l’administration tout en leur déniant toute portée juridique.

Mais l’affaire ne se termine pas là : saisie par l’administration, la Commission des Infractions Fiscales donnait un avis favorable aux poursuites pénales, de sorte qu’une plainte pour fraude fiscale fut déposé contre notre client. Toutefois, au vu de l’enquête de police qui démontrait la réalité des pourparlers antérieurs, le Procureur décidait, chose exceptionnelle, de classer la plainte sans suite.

Il semble que cette information soit parvenue aux oreilles du Comité, qui a dû en tirer la conclusion qu’il avait fait preuve dans notre affaire d’une bien trop grande sévérité. D’où la remarque sus-citée relative à l’absence d’éléments démontrant l’existence d’une décision d’investissement prise par le contribuable, qui est à notre avis moins dirigée vers le contribuable objet de l’avis concerné que vers celui ayant fait l’objet de l’avis défavorable de 2011.

Ce message, nous pensons le comprendre ainsi : nous nous sommes trompés, vos arguments étaient bons, alors surtout ne cessez pas de les faire valoir. Et notre client, qui a perdu en première instance parce que le tribunal administratif s’est réfugié derrière l’avis du Comité et donc son incidence sur la charge de la preuve, à qui la Cour Administrative d’Appel a refusé le sursis à exécution et qui se trouve donc dans une situation particulièrement délicate dont nous nous sommes déjà fait l’écho sur ce blog dans notre actualité du 6 décembre 2015, a bien besoin de ces encouragements !