Par une ordonnance du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la Question Prioritaire de Constitutionnalité que nous avions déposée aux fins de faire déclarer inconstitutionnelle la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’apports-cessions.

Avec l’aide du Président Olivier Fouquet, ancien president de la Section des Finances du Conseil d’Etat, qui a eu l’extrême gentillesse de nous relire et de nous corriger, nous soutenions à titre principal la contrariété aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’interprétation jurisprudentielle constante de l’article 150-0B du CGI cantonnant le sursis d’imposition aux seules restructurations économiques.

En effet, nous démontrions que cette interprétation jurisprudentielle méconnaissait les articles 5 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (« DDHC ») dès lors qu’elle conduit :

  • à méconnaître les attentes légitimes des contribuables, en contrariété avec la garantie des droits,
  • à l’exigence de la réalisation par la société bénéficiaire de l’apport d’un réinvestissement dans une activité économique alors même qu’aucune disposition ne l’imposait et que l’intention du législateur ne le requérait pas.

Nous démontrions également que l’imposition de la plus-value au titre de l’année de l’échange sans considération de l’indisponibilité des fonds méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la DDHC.

Nous démontrions enfin l’existence d’une discrimination à rebours par rapport aux situations transnationales régies par la Directive « Fusion » du fait de l’interprétation différente de la notion d’abus par la CJUE, conduisant à une différence de traitement des opérations nationales non motivée par un motif d’intérêt général et sans rapport avec l’objet de la loi, ce qui constituait selon nous une violation des principes d’égalité devant la loi et les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la DDHC.

A titre subsidiaire, nous invoquions la contrariété au principe de légalité des délits et des peines garanti par l’article 8 de la DDHC et l’article 34 de la Constitution de l’interprétation constante du Conseil d’Etat de l’article L 64 comme nécessitant le réinvestissement dans un délai raisonnable d’une part significative du produit de la cession des titres apportés dans une activité économique et de l’article 1729 b du CGI en tant qu’il est d’application rétroactive.

Sur nos moyens principaux, le tribunal a considéré qu’il relevaient de la compétence du juge de l’impôt et non d’une QPC. Nos moyens subsidiaires ont été écartés comme déjà jugés non sérieux par le Conseil d’Etat dans sa décision du 23 mai 2014, n° 374056.

Aujourd’hui, nous ne pouvons pas contester cette ordonnance autrement qu’en présentant à nouveau le moment venu notre QPC devant la Cour Administrative d’Appel de Paris, puis le Conseil d’Etat, si le contentieux qui nous oppose à l’administration sur le fond va jusque là. Ce n’est donc pas pour tout de suite.

Et pourtant, il nous paraît indispensable que cette question soit examinée par le Conseil Constitutionnel. C’est pourquoi nous lançons ici un appel solennel à nos confrères qui défendent ce type de dossiers devant d’autres juridictions que le tribunal administratif de Paris : nous mettons gracieusement notre mémoire QPC à votre disposition pour que vous le déposiez devant le juge administratif saisi.

Et n’hésitez pas à enrichir nos moyens avec vos propres arguments : c’est en faisant feu de tous bois que nous aurons la possibilité de sortir une bonne fois pour toutes du piège dans lequel un certain nombre de contribuables, mais aussi leurs conseils, sont tombés du fait d’une évolution aussi imprévisible que mal fondée de la jurisprudence relative aux opérations d’apport-cession.