La publication sur le site du Conseil Constitutionnel des commentaires de sa décision du 9 décembre 2016 (n° 2016-603 QPC) sur le rappel des donations de moins de 15 ans permet de mieux mesurer la portée de sa réserve d’interprétation.

Le Conseil constate en effet qu’une lecture littérale de l’article 784 du CGI relatif au rappel fiscal aboutirait à apprécier le régime fiscal de chaque transmission à titre gratuit en appliquant à toutes les transmissions précédentes le régime fiscal (abattement, barème) applicable à la dernière transmission. Ainsi, pour calculer les droits dus lors du décès (qui est la dernière transmission à titre gratuit que pourra faire le contribuable), il conviendrait de réincorporer toutes les donations antérieures concernées par le rapport (donc celles de moins de 15 ans), d’appliquer l’abattement et le barème en vigueur au jour du décès, puis d’imputer les droits acquittés lors des donations rapportables précédentes.

Toutefois, il constate que la doctrine administrative interprète ce texte différemment, en estimant qu’il convient d’apprécier séparément chaque mutation à titre gratuit. La doctrine considère en effet que… « les perceptions effectuées sur les donations successives consenties par une personne et sur la déclaration de sa succession sont donc reliées les unes aux autres non par les droits liquidés mais par l’actif imposable » (BOI-ENR-DMTG-10-50-50, n° 70) ou que… « la somme des perceptions successives n’est pas toujours égale au montant de l’impôt qui aurait été exigible si la perception avait été effectuée globalement lors de la dernière mutation, car chaque transmission ne cesse pas d’être considérée comme un fait générateur particulier » (même instruction, n° 100).

Or, le Conseil considère que si une interprétation littérale de l’article 784 aurait pu conduire à violer la garantie des droits de l’article 16 de la DDH, tel n’est pas le cas si ce texte est interprété dans le sens de la doctrine administrative. La réserve d’interprétation vise donc à légaliser, voire constitutionnaliser, la doctrine administrative.

Et c’est particulièrement bienvenu, car cela nous permettra de rassurer les étrangers qui viennent s’installer en France pour y finir leurs jours alors qu’ils ont déjà partiellement réglé leurs succession dans leur État d’origine que la France ne taxera pas leurs héritiers sur ces donations. Jusqu’à présent, nous ne pouvions les rassurer qu’en invoquant la doctrine administrative suscitée, sachant que si la doctrine protège bien les opérations passées – donc les décès déjà intervenus – d’une application littérale de l’article 784 du CGI, elle était rapportable à tout moment. En d’autres termes, même si nous avions la conviction que la doctrine ne serait pas rapportée avant leur décès, nous n’en avions pas la certitude…

C’est désormais chose faite et nous pouvons donc leur assurer que notre Constitution s’opposerait à ce qu’une loi vienne rendre ultérieurement imposable en France les donations qu’ils ont pu consentir antérieurement et qui n’étaient alors pas dans le champ d’application des droits de mutation à titre gratuit français.

C’est une excellent nouvelle pour l’attractivité fiscale de notre beau pays.