Par une décision n° 405025 du 23 décembre 2016, le Conseil d’Etat a suivi les conclusions de son Rapporteur Public Benoît Bohnert et transmis notre Question Prioritaire de Constitutionnalité relative à l’amende « Trust » au Conseil Constitutionnel. Comme l’a rappelé le Rapporteur Public, l’invalidation par le Conseil Constitutionnel de l’amende proportionnelle de 5 % sanctionnant l’absence de déclaration des comptes ouverts, utilisés ou clôturés hors de France rendait douteuse la conformité à la Constitution l’amende de 12,5 % sanctionnant un manquement de même nature concernant les trusts.

Toutefois, ce n’est pas la question de la conformité à la Constitution de cette amende proportionnelle de 12,5 % que notre recours pose : celle-ci est déjà morte puisque la loi de finances rectificative pour 2016, en cours d’adoption par le Parlement, l’abroge et que cette abrogation s’appliquera rétroactivement en raison du principe constitutionnel d’application immédiate de la loi pénale plus douce (rétroactivité dite in mitius). D’ailleurs, le STDR a renoncé à l’appliquer aux transactions qu’il propose aux contribuables qui, détenant des comptes étrangers non déclarés via des trusts, régularisent leur situation.

C’est sur la conformité à notre Constitution de l’amende forfaitaire de 10.000 € portée à 20.000 € à compter de 2013 que va porter notre recours. Car cette amende soulève de nombreuses questions.

Tout d’abord, on peut se demander si la différence de montant par rapport à l’amende « compte » de 1.500 € est bien justifiée. A cet égard, la situation de notre cliente, constituant, administrateur et bénéficiaire d’un trust canadien – pays dont elle est ressortissante et où elle résidait lors de la constitution de son trust – constitué pour des raisons autres que fiscales (éviter la procédure juridique complexe de probate en cas de décès) est particulièrement topique et nous inviterons le Conseil Constitutionnel à se prononcer sur la conformité au principe d’égalité de cette amende.

Ensuite, le fait que cette amende soit mise à la charge d’administrateurs de trusts qui résident généralement hors de France (puisque la France ne connaît pas l’institution du trust), donc qui n’ont pas un accès naturel à la loi française, mais dont les bénéficiaires résidents de France sont solidairement responsables, ceci alors même qu’ils pourraient ignorer leur qualité de bénéficiaire, pose tant la question de l’intelligibilité de la loi que celle du principe de personnalité des peines.

Enfin, l’absence de barème quant au montant de l’amende soulève la question du principe de proportionnalité des peines, que le Conseil Constitutionnel ne pourra pas régler comme il l’avait fait pour l’amende « compte » où il avait constaté qu’en sanctionnant par une amende différente les comptes ouverts dans des Etats coopératifs ou non, le législateur avait respecté ce principe.

A toutes ces questions nous en ajouterons une autre à titre subsidiaire, qui concerne l’autre client pour lequel nous avions introduit un recours identique alors qu’il n’était pas bénéficiaire d’un trust, mais d’une fiducie et d’une société offshore interposée : nous demanderons au Conseil Constitutionnel, auprès duquel nous ferons intervenir notre client, de confirmer qu’en cas de conformité de l’amende forfaitaire « trust » à la Constitution, il ne saurait en tout état de cause en être redevable.

Conformément à la Constitution, nous aurons la réponse à toutes ces questions passionnantes dans moins de trois mois.