Le blog de notre ami Patrick Michaud « Études Fiscales Internationales » s’est fait cette semaine l’écho d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 2 janvier 2017 (n° 14/15353) ayant jugé que le domicile fiscal en Suisse invoqué par la contribuable pour échapper à l’ISF était fictif. Notre ami et confrère s’interrogeait sur une possible évolution de la notion de domicile puisque le tribunal se fondait entre autre sur l’existence en France d’un patrimoine supérieur au patrimoine suisse de la contribuable pour considérer qu’elle avait son domicile fiscal en France.

Il est exact que jusqu’à présent, la jurisprudence avait plutôt tendance à considérer la source des revenus plutôt que la consistance du patrimoine pour déterminer le centre des intérêts économiques du contribuable au sens de l’article 4 B du CGI. Toutefois, le critère du lieu de séjour principal, tout aussi important, désignant également la France dans cette affaire, il est peu probable qu’elle fasse jurisprudence sur ce point.

L’intérêt de cette décision réside selon nous plutôt dans les moyens d’investigation mis en œuvre par le fisc pour « coincer » la contribuable, sachant que depuis cette affaire, les pouvoirs de la police fiscale ont été considérablement renforcés par la loi du 8 décembre 2013 relative à la répression de la grande délinquance financière et fiscale votée suite à l’affaire Cahuzac.

Nous découvrons en effet que le portable de la contribuable était écouté et ses conversations enregistrées, ce qui a permis aux enquêteurs de démontrer qu’elle avait conscience d’avoir passé plus de temps en France qu’en Suisse. L’application des pénalités pour manquement délibéré, voire des poursuites pénales pour fraude fiscale, paraît difficilement contestable…

Nous apprenons également que les enquêteurs ont démontré, grâce aux opérateurs téléphoniques, quand et à quel endroit la contribuable se servait de son téléphone portable français. Et quand elle a tenté de se défendre en soutenant qu’elle avait confié son téléphone à sa fille résidente de France, il lui ont opposé le procès-verbal d’interrogatoire de cette dernière où elle contestait vigoureusement ce fait. On n’est jamais trahi que par les siens…

Tout cela fait froid dans le dos mais on ne peut s’empêcher de se demander si la tâche des enquêteurs n’aurait pas été rendue plus difficile par l’utilisation d’un portable suisse. C’est peu probable car le bornage aurait révélé utilisation fréquente d’un téléphone relié à un réseau étranger et l’assistance administrative entre les deux pays aurait permis aux limiers du fisc de connaître l’identité de l’abonné.

Depuis que les pouvoirs de la police fiscale sont aujourd’hui quasiment identiques à ceux des services anti-terroristes, il faut faire preuve d’une grande naïveté pour penser échapper à ses obligations fiscales françaises en recourant à un domicile fictif à l’étranger.

Les contribuables mécontents du poids de la fiscalité française ou de l’utilisation des deniers publics ont parfaitement le droit de partir de France. Mais il faut qu’ils sachent qu’ils doivent réellement quitter la France car ils ne pourront pas avoir le beurre – vivre en France – et l’argent du beurre – une fiscalité plus douce. Et pour ceux qui restent, il existe des moyens parfaitement légaux de ne payer que leur juste contribution, c’est-à-dire celle qui résulte des textes votés par le législateur sous le regard vigilant du Conseil Constitutionnel et de la Cour de Justice de l’Union Européenne.