On sait que la donation-cession a été et reste un instrument redoutablement efficace d’optimisation du traitement fiscal d’une plus-value de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux. Le schéma consiste, en donnant les titres destinés à être vendus à ses héritiers, à substituer à l’impôt sur les plus-values les droits de mutation à titre gratuit, ce qui est intéressant non seulement lorsque ceux-ci coûtent moins cher que l’impôt sur les plus-values, mais également compte tenu de l’exonération future de droits de succession lors de la réunion gratuite de l’usufruit avec la nue-propriété donnée au décès du donateur.

Ce schéma était extrêmement efficace dans les années 90 puisque sur le fondement d’une doctrine administrative assez mal rédigée (Instruction 30 septembre 1994, 5 B-21-94), les praticiens considéraient que la donation de la nue-propriété des titres purgeait la plus-value sur la pleine propriété, ce que l’administration a finalement accepté tout en y mettant un terme pour les démembrement intervenus à compter du 20 juin 2001 (Instruction du 13 juin 2001, 5 C-1-01, fiche n° 1).

Depuis cette date, lorsque les parties ont convenu lors du démembrement ou au plus tard lors de la vente des titres démembrés, que le prix de vente restait démembré et devait donc être réinvesti dans des titres eux-mêmes démembrés, la plus-value sur l’usufruit est taxable au nom du nue-propriétaire.

Pour maintenir à l’opération de donation-cession l’effet fiscal maximal, les praticiens se sont mis, lorsque c’était possible, à donner au conjoint séparé de biens l’usufruit d’une partie des titres donnés en nue-propriété aux enfants par le cédant. En effet, non seulement le conjoint donataire bénéficiait d’un abattement d’assiette, mais il profitait également d’une réduction des droits de donation de 50 % (en fonction de l’âge du donateur) alors que les nus-propriétaires n’avaient droit qu’à une réduction de 35 %.

Et comme les nus-propriétaires étaient redevables de l’impôt sur la plus-value sur l’usufruit, ils considéraient pouvoir déduire de l’assiette de leur plus-value non seulement les droits et frais de donation qui avaient été mis à leur charge (et pour lesquels le donateur leur avait donné des titres en pleine propriété), mais également les droits et frais mis à la charge de l’usufruitier (qu’il avait également acquittés grâce à une donation en pleine propriété).

L’administration ne l’entendit pas de cette oreille et contesta avec succès devant les juges du fond la possibilité pour le nu-propriétaire de déduire les droits acquittés par l’usufruitier.

Saisi par un contribuable d’un pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux favorable à l’administration, le Conseil d’Etat vient de lui donner raison par un arrêt de cassation sans renvoi du 11 mai 2017 (n° 402479) au motif précisément que le nu-propriétaire étant redevable de l’impôt sur une assiette composée de la plus-value sur l’usufruit, son prix de revient doit donc inclure les frais et droit acquittés par l’usufruitier.

Cette décision pourra évidemment être invoquée par les contribuables concernés, mais sa portée va selon nous bien au-delà. En effet, dans l’hypothèse inverse où les parties ayant convenu que le prix de vente des droits démembrés serait attribué à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit, ce dernier est redevable de l’impôt sur la plus-value sur son usufruit, rien ne nous semble s’opposer à ce que l’usufruitier puisse déduire de l’assiette de sa plus-value les frais et droits acquittés par le nu-propriétaire.

Or, on se souvient qu’après une longue léthargie causée par la critique radicale que lui faisait l’administration en le remettant en cause sur le fondement de l’abus de droit, ce schéma devrait retrouver une seconde jeunesse grâce à la jurisprudence dont nous sommes fait l’écho ici  (http://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2017/02/19/donation-cession-avec-reserve-de-quasi-usufruit-le-conseil-detat-donne-gain-de-cause-au-contribuable/).

Cette nouvelle décision ne pourra donc que renforcer l’intérêt de cette opération en permettant au quasi-usufruitier de déduire de l’assiette de sa plus-value, outre ses droits et frais, de donation, ceux acquittés par le nu-propriétaire.

Décidément, la donation-cession a encore de beaux jours devant elle.