Résumé : La hausse rétroactive de 1,7 points de CSG sur les revenus du patrimoine nous paraît contraire à la Constitution et nous entendons défendre cette position pour tous nos clients concernés.

 

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a augmenté de 1,7 points le taux de la Contribution Sociale Généralisée frappant notamment les gains d’acquisition d’actions gratuites et les plus-values mobilières réalisés en 2017 et non prélevés à la source.

 

Or, souvenons-nous de l’enseignement de nos maîtres : Une loi ne peut soumettre le passé à son empire.

 

Depuis près de vingt ans, le Conseil Constitutionnel a progressivement forgé une jurisprudence qui permet de faire application de ce principe ancien, dans la limite de la norme applicable, qui est la garantie des droits de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

 

Sur le fondement de ce texte, le Conseil Constitutionnel limite, dans les termes suivants, le droit du législateur à établir une norme régissant le passé :

 

« Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations » (en dernier lieu : Décision n° 2017-656, QPC 29 Septembre 2017).

 

 Au regard de ces principes , il n’existe aucune raison valable d’exempter du contrôle de constitutionnalité les lois dites rétrospectives. Il y a au contraire, selon nous,  nécessité publique d’éviter toute sanctuarisation de ce domaine.  Le juge constitutionnel doit pouvoir exercer son contrôle sur toutes les lois qui imposent aux citoyens par surprise des impôts augmentés ou de nouveaux impôts.

 

L’augmentation des taux de CSG pour 2017 offre un exemple caricatural de ce que le législateur ne doit plus faire. Reprenons les critères jurisprudentiels évoqués ci-dessus.

 

1° La charge nouvelle porte atteinte et de plein fouet à des situations légalement acquises. A la suite du Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel a déjà jugé que le fait générateur de l’imposition des plus-values étant fixé à la date de l’opération de cession, le contribuable bénéficiait dès cette date  d’une telle situation (Décision n° 516-238 QPC du 22 Avril 2016).

 

2° Cette atteinte n’est justifiée par aucun motif d’intérêt général suffisant.

 

Augmenter les cotisations parce qu’on veut plus de recettes publiques pour boucher les trous ne constitue pas un motif d’intérêt général suffisant (par exemple : Décision n° 2014-435 QPC du 5 Décembre 2014, paragraphe 10 concernant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus). Nous avons lu et relu l’ensemble de la procédure parlementaire à la recherche de «  l’intérêt général suffisant » et nous n’avons trouvé aucune explication justifiant la mesure.

 

3° Les contribuables pouvaient légitimement s’attendre au maintien pour 2017 des taux de cotisation sociale.

 

Pour le Conseil Constitutionnel , une telle attente n’est pas  « légitime »  si le contribuable a été informé à temps, avant la réalisation du fait générateur déclenchant l’imposition, du contenu de la loi nouvelle (Décision n° 2015-474 QPC du 26 juin 2015, Icade). Rien de tel n’est survenu. En l’absence de toute communication sur cette mesure, nul ne pouvait deviner que le législateur s’apprêtait à augmenter rétroactivement le taux d’imposition des cotisations sociales pour 2017. D’ailleurs, lors du dépôt du texte au bureau de l’Assemblée le 11 octobre, plusieurs professionnels ont constaté que la hausse de la CSG ne paraissait pas affecter les revenus de 2017. Ce n’est qu’à la faveur d’un amendement n° 1174 dit rectificatif déposé le 20 octobre que ce projet est apparu en pleine lumière.

 

Aucun signal prémonitoire n’avait été émis au cours de l’année, bien au contraire. Depuis 2014 et tout au long de la campagne présidentielle de 2016 et 2017, les citoyens ont été entretenus dans l’idée que les pouvoirs publics étaient déterminés à bannir la pratique, sous toutes ses formes, de la rétroactivité fiscale. Nous avons cueilli un grand bouquet de ces proclamations de tous bords que nous offrirons au Conseil Constitutionnel.
Nos recours sont prêts. Nous attendons la publication des circulaires administratives pour engager l’action et à défaut, comme cela semble être devenu l’usage en matière de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, nous contesterons l’augmentation de la CSG qui figurera sur les avis d’imposition de nos clients. Il faut en finir avec toutes les formes, petites et grandes, de rétroactivité de la loi fiscale. Il est temps que le législateur respecte les règles de droit. C’est une affaire de démocratie et de respect du citoyen.