Utilisation abusive du PEA : le Conseil d’Etat valide l’approche du Comité de l’Abus de Droit Fiscal
On sait que le PEA permet, sous certaines conditions et limites, d’exonérer d’impôt sur le revenu les plus-values réalisées lors de la vente de droits sociaux. Les titres éligibles pouvant être des actions ou parts de sociétés non cotées, la tentation est forte pour des PME de mettre en place des « management packages » permettant en pratique de transformer une partie de la rémunération des cadres dirigeants en plus-values exonérées. Ce schéma est d’ailleurs bien connu de l’administration puisqu’il est en tête des montages abusifs mis en ligne en avril 2015 dont nous avons rendu compte dans une actualité précédente.
Dans plusieurs avis (par exemples, affaires n° 2006-16, n° 2007-11 et n° 2009-15), le Comité de l’Abus de Droit Fiscal a considéré que lorsque les titres étaient souscrits pour une valeur de convenance, l’abus résultait de la connaissance par le souscripteur que compte tenu de leur valeur réelle, la souscription des titres via le PEA aboutissait à dépasser le maximum autorisé, actuellement fixé à 150.000 €.
Toutefois, la Cour Administrative d’Appel de Paris, suivant le tribunal administratif, a jugé le 17 janvier 2013 que dans la mesure où à la date d’inscription des titres sur le PEA, le contribuable n’avait pas connaissance d’une négociation de vente de la société pour une valeur très supérieure, l’abus de droit n’était pas constitué.
Par une décision rendue le 10 décembre 2014 (n° 367040), le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt en rappelant que c’est la connaissance par le contribuable de la valeur réelle des actions inscrites sur le PEA à la date de leur inscription qui, lorsque cette valeur aboutissait à dépasser le plafond autorisé par le législateur, constituait l’abus de droit.
Deux conditions doivent donc être réunies : que le contribuable sache que le prix fixé s’écarte significativement de la valeur réelle des titres et qu’il s’agit donc d’une valeur de convenance, d’une part, et que compte tenu de la valeur réelle, le plafond du PEA est dépassé, d’autre part. En pratique toutefois, sauf circonstances particulières, c’est l’existence d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur réelle qui, compte tenu des fonctions exercées par l’acquéreur dans la société dont les titres sont cédés ou dans le groupe qui cède les titres qui permet à l’administration, sous le contrôle du juge, de déduire l’existence d’un prix de convenance.
En définitive, le débat va donc tourner exclusivement autour de la valeur des titres à la date de l’inscription sur le PEA, débat délicat à trancher lorsque la société n’est pas cotée et qu’aucune transaction comparable n’existe. Afin de se préconstituer la preuve que cette valeur n’aboutissait pas à dépasser le plafond autorisé, la seule solution pour les parties de bonne foi nous semble être le recours à une expertise effectuée de préférence par un expert en évaluation d’entreprises agréé près la Cour d’Appel.