C’est la saison des déclarations de revenus et avec elle revient la sempiternelle question de savoir s’il est plus intéressant de rattacher son enfant majeur à son foyer fiscal et bénéficier d’une demi-part (ou une part à compter du troisième enfant) de quotient familial ou de ne pas le rattacher et déduire les sommes que l’on lui verse à titre de pensions alimentaires.

En l’état actuel de la législation, le choix va dépendre de la tranche marginale d’imposition du contribuable puisque l’avantage en impôt que peut procurer le quotient familial est plafonné à 1.510 € par demi-part alors que la déduction du revenu global de la pension alimentaire versée à un enfant majeur est plafonnée à 5.732 €. Un contribuable marginalement imposé à 45 % aura donc plutôt intérêt à déduire la pension dès lors que l’avantage procuré s’établit à 2.579 € (5.732 x 45 %), sauf si le détachement de son enfant lui fait perdre une part complète de quotient familial (1.510 x 2 = 3.020 €). Pour que le calcul soit scientifiquement exact, il faut également intégrer la perte de la réduction d’impôt pour frais de scolarité (183 € si l’enfant est dans l’enseignement supérieur) et d’un abattement pour personne à charge que le détachement du foyer fiscal de l’enfant va lui faire perdre en matière de taxe d’habitation.

Mais l’important est ailleurs. Il existe une différence de traitement entre les pensions alimentaires versées aux enfants mineurs, qui sont totalement déductibles, et celles versées aux enfants majeurs, dont la déduction est plafonnée. Souvent, c’est à l’occasion du 18ème anniversaire de leur aîné que les parents divorcés découvrent cette règle. Le débit-rentier (généralement, le père) voit son imposition augmenter alors que le crédit-rentier (la mère) voit la sienne baisser puisque la quote-part de pension non déductible chez son ex devient corrélativement non-imposable chez elle.

Cette différence de traitement constitue-t-elle une discrimination contraire aux principes d’égalité devant l’impôt et les charges publiques ? Certes, on sait que le législateur peut créer des différences de traitement lorsque celles-ci sont fondées sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose (Cons. Const. n° 2010-605 DC, 12 mai 2010).

Or, c’est là où le bât blesse : comme tous les parents le constatent, plus les enfants grandissent et plus ils coûtent cher, le sommet étant atteint au moment des études supérieures qui coïncident précisément avec la majorité de l’enfant : études payantes (écoles de commerce, études à l’étranger), nécessité de se loger lorsque l’étudiant doit suivre ses études dans une autre ville que ses parents, etc.

Alourdir la fiscalité des parents en plafonnant la déduction des pensions versées aux enfants au moment où ils coûtent le plus cher crée une discrimination selon l’âge de l’enfant qui repose certes sur un critère objectif, mais certainement pas sur un critère rationnel compte tenu du but poursuivi par le législateur, à savoir alléger la fiscalité des contribuables qui, en versant des pensions alimentaires à leurs enfants, exécutent leur obligation de contribution à l’entretien et l’éducation de leurs enfants.

Les contribuables concernés pourraient donc tenter de contester la constitutionnalité de cette mesure en déposant une QPC, étant tout de même précisé que si le Conseil Constitutionnel sanctionne la loi, il peut tout aussi bien supprimer la limitation de la déduction de la pension que la possibilité de déduire toutes les pensions, quel que soit l’âge de l’enfant, ce qui ne constituera pas forcément une bonne nouvelle pour les contribuables !