Il existe des dispositions du Code Général des Impôts particulièrement scélérates : un contribuable bien conseillé évitera leur application alors que le profane se fera immanquablement avoir. Le I. de l’article 757 B, qui prévoit que les primes versées sur un contrat d’assurance-vie après 70 ans qui excèdent 30.500 € sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit, en fait clairement partie. En effet, tel qu’il est interprété par l’administration (BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 190, 1-7-2016), en cas de rachat partiel d’un contrat comprenant des primes versées après 70 ans, la fraction des primes rachetées n’est pas déduite du montant des primes versées taxables aux droits de succession.

Les contribuables bien conseillés sauront arbitrer leurs rachats et leurs versements après 70 ans entre plusieurs contrats de manière à éviter l’application de cette règle. Les autres fonceront tête baissée dans ce piège dont seuls leurs héritiers mesureront la perversité.

Heureusement, il s’est trouvé un héritier d’un contribuable mal conseillé qui, bien défendu, a fait ce dont nous rêvions tous : déposer une QPC pour contester la conformité de cette règle avec l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen relatif à l’égalité devant les charges publiques.

Par une décision n° 1221 du 4 juillet 2017, la Cour de cassation vient de faire droit à sa demande et a saisi le Conseil Constitutionnel du point de savoir si cette règle était bien respectueuse des facultés contributives du contribuable. Parce que payer des droits de succession sur des primes qui ont fait l’objet d’un rachat avant le dénouement du contrat revient en pratique à payer des droits sur des intérêts que la loi ne taxe pas.

Nous espérons que le Conseil sanctionnera enfin non le texte lui-même, mais l’interprétation qu’en fait l’administration. Pour cela, la technique de la réserve d’interprétation nous semble particulièrement bien adaptée.