Le projet de loi de finances contient comme attendu les textes relatifs au nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) qui remplacera l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) à compter du 1er janvier prochain.

A partir du moment où seuls les biens immobiliers seront dorénavant taxés, nous nous attendions à ce que le législateur insère des clauses anti-abus destinées à éviter de contourner trop facilement le texte. Nous n’avons donc guère été surpris de constater que les contribuables ne pourront pas déduire des sociétés qu’ils détiennent les dettes contractées envers eux-mêmes (apport en compte courant), ni celles souscrites auprès de leurs (trop) proches.

En revanche, nous avons été plus surpris de la règle figurant au III du futur article 974 du CGI consistant, pour les patrimoines supérieurs à 5 M€, à limiter la déduction des dettes qui dépassent 60 % de la valeur des biens taxables à 50 % de l’excédent. En effet, cette règle va alourdir la charge fiscale pesant sur les personnes qui investissent dans l’immobilier en se finançant à crédit lorsque leur patrimoine immobilier brut dépassera une limite fixée arbitrairement.

La constitutionnalité d’une telle mesure nous semble poser une difficulté sérieuse au regard du principe de l’égalité devant les charges publiques (article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). On sait que le législateur peut prévoir des mesures destinées à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale qui aboutissent à traiter différemment des contribuables placés dans des situations identiques. Toutefois, l’objet de la mesure discriminatoire doit être proportionnée au but recherché, à savoir lutter contre l’évasion fiscale.

Or, on peine à comprendre pourquoi, au-delà d’un certain montant de patrimoine immobilier, investir dans la pierre en recourant au crédit serait abusif. Même si les taux d’intérêts sont très faibles, ils restent néanmoins globalement supérieurs aux taux du futur IFI. On n’imagine mal un opérateur économique préférer verser des intérêts à sa banque s’ils sont plus élevés que l’impôt qu’il économisera (en tenant compte de la déduction des frais financiers des loyers perçus).

Cette règle va constituer une véritable « barrière à l’entrée » pour les investisseurs immobiliers et on imagine mal que les impétrants s’en accommodent. Le risque d’une censure de cette mesure par le Conseil Constitutionnel nous parait donc assez probable.

Le législateur aurait été selon nous mieux avisé de limiter la déduction des seuls emprunts souscrits en vue d’acquérir un bien immobilier lorsqu’ils sont garantis par des actifs mobiliers (par exemple, un contrat d’assurance-vie) et dans la limite de cette garantie. En effet, dans cette hypothèse, le contribuable dispose d’un actif financier non taxable qu’il mobilise pour contracter un crédit déductible et il ne parait pas choquant de le « désinciter » à procéder de la sorte.

Mais peut-être y viendra-t-il lorsque son texte sera retoqué ?