On sait pour en avoir déjà parlé ici (http://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2017/10/06/impot-sur-la-fortune-immobiliere-la-clause-anti-abus-qui-pourrait-aller-trop-loin/) que le futur Impôt sur la Fortune Immobilière sera assorti de plusieurs clauses anti-abus destinées à éviter une évaporation de son assiette grâce à des opérations de refinancement auprès de proches du contribuable.


Lors du vote du texte par l’Assemblée Nationale, plusieurs amendements ont été introduits pour adapter le champ d’application de ces mesures.


Une nouvelle clause de sauvegarde a en particulier été introduite qui devrait considérablement faciliter la vie des contribuables concernés. En effet, les redevables qui possédaient un groupe de sociétés dont les filiales immobilières se finançaient auprès d’autres structures du groupe étaient dans la première mouture du texte interdits de déduire la dette en question dès lors qu’elle avait été contractée indirectement auprès d’eux-mêmes. La seule possibilité qui se serait offert à eux aurait été de refinancer cette dette auprès d’établissements financiers, donc à un coût probablement supérieur à celui du futur IFI.


Dorénavant, ils pourront transformer ces avances en véritables prêts et, si ces derniers prévoient bien les modalités de leur remboursement ainsi qu’un intérêt normal et sous réserve que les remboursements prévus s’effectuent normalement, ils pourront déduire la dette en question du passif des sociétés immobilières.


Cette solution étend celle retenue pour les prêts consenties par les proches du contribuables (enfants majeurs, ascendants, collatéraux) et les contribuables concernés ne pourront que s’en réjouir.


En revanche, s’agissant des dettes à prendre en compte pour la détermination de la valeur des parts des sociétés immobilières, le II du futur article 973 prévoit dorénavant que :


« Pour la valorisation des parts ou actions mentionnées au 2° de l’article 965, ne sont pas prises en compte les dettes contractées directement ou indirectement, par une société ou un organisme :
 
  1. Pour l’acquisition, dans un objectif principalement fiscal, à une personne mentionnée au 1° de l’article 965 d’un bien ou droit immobilier imposable ; »
L’administration tente de nous faire une nouvelle fois le coup du « but principalement fiscal » pour effectuer des redressements sans recourir à la procédure de répression des abus de droit.


Certes, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel autorise le législateur à emprunter cette voie lorsque le redressement échappe, s’agissant d’un texte d’assiette, à l’application de la lourde pénalité (80 %) sanctionnant l’abus de droit (http://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2016/12/29/abus-du-plafonnement-de-lisf-le-conseil-constitutionnel-emascule-le-texte/).


Toutefois, en ayant entrouvert cette porte, le Conseil Constitutionnel n’a probablement pas imaginé à quel point l’administration allait s’engouffrer dans la brèche. La preuve en est apportée par cette nouvelle dérogation à l’exigence d’un but exclusivement fiscal pour asseoir un redressement.


Or, substituer un but « principalement » fiscal au traditionnel but « exclusivement » fiscal crée une subjectivité dans l’application de la norme particulièrement difficile à manier. En permettant à l’administration d’effectuer des redressements fondés sur une norme trop subjective, le législateur risque de fort de miner le consentement à l’impôt des contribuables sur lequel il est assis.


Nous espérons que les parlementaires, lors de leurs recours contre les lois de finances de fin d’année, saisiront une nouvelle fois le Conseil de cette délicate question et que celui-ci s’avise enfin de mettre un terme une bonne fois pour toutes à la possibilité pour l’administration d’invoquer un seul but principalement fiscal au soutien d’un redressement.