On sait que pour être éligible au bénéfice de l’article 787 B du CGI qui permet d’obtenir un abattement de 75 % sur l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, la société dont les titres sont transmis doit exercer une activité professionnelle. Lorsque la société exerce concomitamment une activité non éligible car patrimoniale, l’administration exige que l’activité professionnelle soit prépondérante (alors même que cette nécessité ne résulte pas clairement de la loi).

Pour permettre d’apprécier le caractère prépondérant de l’activité, la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 20) exige que les critères suivants soient satisfaits :

  • Le chiffre d’affaires de l’activité éligible doit représenter plus de 50 % du chiffre d’affaires total de la société,
  •  L’actif brut immobilisé affecté à cette activité doit représenter plus de 50 % de l’actif brut total.

Or, pour une société exerçant l’activité de marchand de biens qui aurait par ailleurs acquis des immeubles à titre patrimonial, il est absolument impossible de respecter le second critère. En effet, les immeubles acquis en vue de leur revente, s’ils figurent bien à l’actif, ne sont pas comptabilisés en immobilisation mais en stock. Il suffit donc généralement que la société marchand de biens détienne un seul immeuble à titre patrimonial pour que ses associés soient de facto privés du bénéfice de la transmission Dutreil, ceci quelle que soit l’importance de son stock.

Cette situation est tout à fait choquante et n’a certainement pas été voulue par le législateur, qui permet bien à la totalité des actifs d’une société exerçant une activité professionnelle de bénéficier de l’abattement de 75 % lorsque cette activité est exercée à titre prépondérante. Il y a là clairement une discrimination entre les marchands de biens et les autres professions dont on peine à détecter la raison. Or, une discrimination qui n’a pas un but légitime peut être sanctionnée pour violation du principe d’égalité devant l’impôt.

Il n’est pas non plus évident que cette discrimination ait été voulue par l’administration. Le mot « immobilisé » pourrait s’être échappé subrepticement de la plume du rédacteur du BOFiP, qui l’aurait ajouté sans réfléchir…

En tout état de cause, l’occasion va prochainement être donnée au Conseil d’Etat, saisi par nos soins d’un Recours pour Excès de Pouvoir contre la doctrine, de corriger cette maladresse de rédaction en supprimant le mot « immobilisé » du BOFiP. En cas de succès, la noble profession de marchand de biens pourra accéder au bénéfice de l’article 787 B du CGI sans autre limite que celle, résultant du simple bon sens, d’une activité patrimoniale prépondérante.