la réduction de capital entre mythe et réalité (Partie I)
La décision du Conseil Constitutionnel du 20 juin 2014 (n° 2014-404 QPC), qui a censuré le traitement fiscal différencié appliqué aux rachats par les sociétés de leurs propres titres en vue de les annuler selon la cause du rachat, a constitué ce qu’il faut bien appeler une divine surprise pour les contribuables. En obligeant le législateur à choisir un traitement uniforme de ces opérations, le Conseil ne lui a en réalité guère laissé le choix : seul le régime des plus-values était en effet susceptible de s’appliquer de la même manière aux cessions de titres de sociétés cotées ou non. C’est donc ce régime qui a été introduit par l’article 88 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 pour une application à compter du 1er janvier 2015.
Alors que le régime des revenus distribués rendait ces opérations rarement intéressantes fiscalement, de sorte que les associés concernés cherchaient par tous les moyens (et heureusement pour eux, il y en avait plusieurs) à contourner son application, le nouveau régime des plus-values oblige les praticiens que nous sommes à reconsidérer entièrement la question. C’est ce que nous allons tenter de faire ici.
La première erreur à ne pas commettre, c’est de confondre l’arbre et la forêt. Ce n’est pas le régime des réductions de capital qui a été modifié, mais seulement celui d’un type particulier de réduction, celle qui intervient après que la société a préalablement racheté ses propres titres en vue de les annuler. L’opération consistant à annuler des titres que les associés possèdent encore à la date de l’assemblée générale extraordinaire continuera donc à être taxée comme une revenu distribué, qu’un seul associé (ou groupe d’associés) soit concerné ou que tous le soient de manière égalitaire.
La seconde, c’est d’imaginer que le régime des plus-values est systématiquement plus intéressant que celui des revenus distribués. Or, il est plusieurs hypothèses où cela n’est pas le cas. Lorsque les titres cédés par une personne physique sont détenus depuis moins de deux ans (ou un an lorsque la participation remplit les conditions de l’abattement majoré), l’abattement de 40 % dont bénéficient les revenus distribués est préférable à l’absence totale d’abattement sur les plus-values.
De même, lorsque l’actionnaire est une société française soumise à l’impôt sur les sociétés, percevoir un dividende bénéficiant du régime des sociétés mères est moins onéreux que réaliser une plus-value car la quote-part à réintégrer est plus faible (5 % au lieu de 12 %).
Enfin, lorsque l’actionnaire est une société qui détient au moins 25 % du capital de la société et qui réside dans un État non membre de l’UE ou de l’EEE qui est lié à la France par une Convention fiscale préventive de doubles impositions comprenant à la fois une clause de participation substantielle (qui permet à la France d’appliquer l’article 244 bis B du CGI) et une définition « étroite » des dividendes (qui ne vise donc pas les revenus distribués), il préférera « sortir » en revenus distribués taxables exclusivement dans son État de résidence (où ils bénéficieront d’une taxation atténuée compte tenu du régime local des sociétés mères) plutôt qu’en plus-values taxables en France au taux de 45 %. L’hypothèse n’est pas d’école : c’est exactement le cas de l’Ile Maurice.
Comme l’administration ne restera certainement pas sans réaction face au raz-de-marée des rachats de leurs propres titres par les sociétés non cotées qui se profile, il convient dès lors de s’interroger sur le point de savoir si cette nouvelle possibilité offerte aux contribuables ne pourra pas être limitée par l’application de la théorie l’abus de droit.
Ce sera l’objet de la deuxième partie de cette chronique.