Résumé : Le Conseil d’Etat va très prochainement se prononcer sur le traitement fiscal des gains réalisés sur les cryptomonnaies. S’il suit son rapporteur public, il devrait soumettre les gains réalisés à titre occasionnel à une taxation proportionnelle plutôt qu’au barème progressif. Les modalités déclaratives en sortiront paradoxalement complexifiées.

 

Nous avions relaté dans une précédente actualité l’introduction devant le Conseil d’Etat, à la demande de nos clients, d’un recours pour excès de pouvoir visant à faire annuler l’instruction fiscale de 2014 qui prévoit notamment la taxation dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) des gains « occasionnels » tirés de la cession de Bitcoin et autres cryptomonnaies.

 

Au cours de l’audience qui s’est tenue le 11 avril 2018, le Rapporteur Public s’est montré favorable à ce recours, estimant, comme nous le soutenons, que les gains de cession « occasionnels » devraient relever du régime spécifique des plus-values sur cessions de biens meubles prévue par l’article 150 UA du Code général des impôts, et non de la catégorie des BNC.

 

L’affaire a maintenant été mise en délibéré. Si les autres membres de la formation de jugement se rangent à l’opinion du Rapporteur Public, la décision que le Conseil d’Etat devrait rendre d’ici la fin du mois d’avril ouvrira la possibilité aux détenteurs de cryptomonnaies, s’ils en remplissent les conditions, de bénéficier d’une taxation à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % en lieu et place du barème progressif de l’impôt sur le revenu (au taux marginal de 45 %) attaché à la catégorie des BNC. A noter néanmoins que les gains resteront également soumis, en tout état de cause, aux contributions sociales (15,5 % ou 17,2 %) et dans certains cas à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (3 ou 4 %).

 

En cette période de déclarations de revenus, les contribuables qui avaient l’intention de déclarer en BNC leurs gains de cession réalisés en 2017 seraient donc avisés d’attendre encore quelques jours le prononcé de la décision du Conseil d’Etat pour se positionner.

 

En effet, en cas de confirmation par le Conseil d’Etat de la position de son Rapporteur Public, les détenteurs de cryptomonnaies ayant déjà réalisé des gains devront engager deux réflexions, d’abord pour déterminer s’ils sont bien éligibles au régime des plus-values sur biens meubles puis, dans l’affirmative, quant à la manière dont ils devraient concrètement déclarer leurs gains.

 

S’agissant de l’éligibilité au régime des plus-values sur biens meubles, il convient de noter que ce régime d’imposition risque de se substituer à la taxation en BNC des gains de cession « occasionnels » sans pour autant remettre en cause la taxation en BIC des gains de cession « habituels », le Rapporteur Public s’étant montré favorable au maintien de cette dernière taxation qu’il n’estime pas contraire aux textes en vigueur. Les contribuables concernés devraient donc déterminer s’ils estiment que les gains qu’ils ont réalisés revêtent un caractère « occasionnel » ou « habituel », sachant que cette distinction entraînerait désormais un choix entre deux régimes fiscaux radicalement différents (ce qui n’est pas vraiment le cas sous l’égide de l’instruction fiscale de 2014, les régimes BNC et BIC aboutissant tous les deux in fine à une taxation au barème progressif de l’impôt sur le revenu).

 

Ensuite, les contribuables estimant qu’ils peuvent bien bénéficier du régime des plus-values sur biens meubles se heurteront à un problème pratique « déclaratif ». En effet, l’impôt forfaitaire à 19 % et les contributions sociales afférents aux plus-values sur biens meubles ne relèvent pas de la déclaration annuelle des revenus habituelle qui doit être souscrite au cours de l’année qui suit la cession, mais d’une déclaration spécifique (modèle n° 2048-M) qui doit être déposée auprès du service des impôts, accompagnée du règlement spontané de l’impôt, dans un délai d’un mois à compter de la cession !

 

Si la décision prochaine du Conseil d’Etat devait valider la possibilité de bénéficier du régime des plus-values sur biens meubles, les contribuables qui entendraient se placer sous l’égide de ce régime pour leurs opérations 2017 devraient donc « régulariser » leur situation en déposant des déclarations 2048-M accompagnées du paiement de l’impôt, formalités qui pourraient, paradoxalement, être considérées par l’administration fiscale comme étant accomplies tardivement, alors même qu’elle ne prévoyait pas leur application au moment où ces formalités auraient dues être accomplies.

Notre cabinet restera bien entendu à disposition des contribuables pour les guider dans ces nouvelles complexités dès que le Conseil d’Etat aura rendu sa décision, décision que nous attendons pour cette seconde quinzaine d’avril et dont nous espérons qu’elle sera au moins aussi favorable que celle préconisée par le Rapporteur Public.