Dans notre dernière actualité (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2020/09/11/recours-pour-exces-de-pouvoir-contre-les-instructions-fiscales-inventaire-avant-fermeture/), nous avons fait le point sur tous les Recours pour Excès de Pouvoir que nous avions engagés avant l’entrée en vigueur de la décision Hasbro qui limite à deux mois le délai pour attaquer les instructions fiscales publiées au BOFiP.


Nous nous devons de rectifier certains oublis et erreurs pour compléter notre examen.


En premier lieu, contrairement à ce que nous avons indiqué, la contestation de la constitutionnalité des prélèvements sociaux sur les contrats d’assurance-vie se dénouant par décès ne prend pas la forme d’un recours pour excès de pouvoir faute de doctrine publiée à contester. Nous avons donc dû emprunter le tortillard du contentieux fiscal de droit commun et non le TGV du REP/QPC et n’espérons pas pouvoir vous faire connaître des suites de notre recours avant de nombreux mois.


En second lieu, nous avons oublié de mentionner le recours que nous avons engagé contre le n° 90 de l’instruction BOI-RSA-GEO-40-10-20 qui prive du bénéfice du régime de l’article 155 B du CGI pour leurs revenus patrimoniaux les impatriés qui ne perçoivent pas de prime d’expatriation partiellement exonérée.


En effet, en subordonnant l’application de l’abattement de 50 % sur les revenus patrimoniaux de source étrangère aux impatriés dont une partie du salaire – la prime d’expatriation – bénéficie de l’abattement de 30 %, la doctrine administrative ajoute selon nous à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas et que la cohérence du régime ne justifie pas.


En troisième lieu, si le Conseil d’Etat suit son rapporteur public Karin Ciavaldini, il devrait juger recevable notre recours contre les modalités d’imposition des plus-values de cession d’objets précieux situés hors de l’Union Européenne malgré son dépôt postérieur au 13 mai 2020, ce qui est un soulagement mais pas une réelle surprise…


Il devrait également réserver la question de la conformité de ce système à la liberté de circulation des capitaux, mais transmettre au Conseil Constitutionnel la Question Prioritaire de Constitutionnalité de savoir si le fait de soumettre obligatoirement les cessions d’objets précieux situés hors de l’Union Européenne au régime des plus-values sans possibilité d’option pour la taxe forfaitaire ne constituerait pas une discrimination prohibée par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 garantissant l’égalité devant la loi et les charges publiques.


Le rapporteur public, qui relève que ce curieux mécanisme n’a pas été mis en place afin de luter contre l’évasion fiscale, peine à lui trouver une justification objective et rationnelle. Il n’est pas le seul.


Madame Ciavaldini ne nous suit en revanche pas lorsque nous considérons que l’impôt sur les plus-values n’est pas applicable, dès lors que conformément à l’article 150 UA du CGI, les résidents français sont passibles de l’impôt sur les plus-values sur la totalité de leurs cessions de biens meubles.


Le débat va donc devoir être tranché par le Conseil Constitutionnel. S’il estime la différence de traitement injustifiée, il pourra rétablir l’égalité de deux manières : en appliquant la taxe forfaitaire à toutes les cessions quel que soit le lieu de situation du bien vendu ou en supprimant la taxe forfaitaire elle-même.


A ceux qui n’imaginent pas que la seconde solution puisse être retenue en raison de sa radicalité, nous tenons à rappeler que contrairement au législateur, le Conseil Constitutionnel ne maîtrise pas le stylo, mais seulement la gomme. Et s’il estime que la rectification de la discrimination ne peut pas se réaliser sans réécrire la loi, il censure celle-ci en totalité et renvoie au législateur sa copie, à charge pour lui d’élaborer un système qui respecte les principes d’égalité, ce qu’il fait généralement mais pas systématiquement. C’est le problème avec les recours de jalousie : le jaloux réclame le même régime que l’autre car il est meilleur, mais tout le monde se retrouve en définitive logé à la même enseigne, la sienne…


Nous tenterons donc de convaincre le Conseil Constitutionnel qu’il peut supprimer la discrimination en étendant l’application de la taxe forfaitaire à toutes les cessions en supprimant simplement au I. de l’article 150 VI du CGI le membre de phrase suivant : « ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de l’Union européenne », ainsi que le II. du même texte.
Affaire à suivre.