Par plusieurs décisions rendues le 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris sanctionne l’administration fiscale pour avoir soumis les contribuables à l’amende forfaitaire de l’article 1736, IV du Code général des impôts (CGI) pour non-déclaration d’un compte à l’étranger au titre d’une année au cours de laquelle ils n’avaient réalisé aucune opération sur leur compte (décision anonymisée disponible ici).

Vous vous souvenez de la question prioritaire de constitutionnalité que nous avions menée jusqu’au Conseil Constitutionnel sur l’amende de l’article 1736, IV du Code général des impôts (CGI), sanctionnant la non-déclaration des comptes détenus à l’étranger. Malheureusement pour nos clients, et pour de nombreux contribuables, le Conseil Constitutionnel avait à cette occasion validé la constitutionnalité de cette amende, peu importe qu’elle représentait près de 90 % du solde du compte.

Malgré cet échec, le combat a continué et l’affaire suivi son cours devant le Tribunal Administratif de Paris, devant lequel nous invoquions deux arguments :

  • A titre principal, la contrariété de l’amende précitée avec la Convention européenne des droits de l’homme (plus précisément l’article 6 §1 de la Convention et l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention) ;
  •  A titre subsidiaire, la non-application de l’amende forfaitaire au titre de l’année au cours de laquelle nos clients n’avaient effectué aucun mouvement de crédit ou de débit sur leur compte.

Si nous nous doutions que l’argumentaire principal ne perdurerait pas devant les juridictions françaises dans le contexte de la décision du Conseil Constitutionnel précitée, en revanche l’argumentaire subsidiaire avait toutes les chances d’aboutir compte tenu de la rédaction des articles applicables en matière de déclaration des comptes à l’étranger.

En effet, l’article 1649 A du CGI dispose que les personnes physiques doivent déclarer, en même temps que leur déclaration annuelle de revenus, « les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger », le respect de cette disposition étant sanctionné par l’amende de l’article 1736, IV du CGI.

L’article 344 A de l’annexe III du CGI précise pour sa part que… « un compte est réputé avoir été utilisé [par le déclarant] […] dès lors que [celui-ci] a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration […] ».

En l’espèce, nos clients n’avaient effectué aucune opération sur leur compte : ni versements de fonds, ni retraits d’espèces, ni paiements, ni aucune autre transaction.

Seule la banque avait procédé, de sa propre et seule initiative, au prélèvement de ses frais de gestion. L’administration a bien tenté de soutenir artificiellement que ces opérations étaient le fait de nos clients puisqu’ils avaient signé le contrat d’ouverture du compte autorisant ces prélèvements, mais cet argument n’a heureusement pas convaincu les magistrats.

Ainsi, sur le fondement des deux articles précités, le Tribunal administratif a jugé que nos clients étaient fondés à demander la décharge de l’amende forfaitairede l’article 1736, IV du CGI au titre de l’année 2009 dès lors que les extraits du compte ne font état que de « frais pour correspondance retenue » et de « commissions d’administration ».

Le compte n’ayant été ni ouvert, ni utilisé, ni clos par nos clients en 2009, ces derniers n’étaient pas tenus d’en déclarer les références et ne pouvaient donc se voir infliger l’amende forfaitaire de l’article 1736, IV du CGI.

Si les conséquences de cette décision sont importantes pour nos clients, auxquels l’administration devra rembourser 10.000 €, elles le sont bien davantage encore pour les contribuables actuellement en cours de régularisation de leurs avoirs détenus à l’étranger auprès du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). 

En effet, en application de la décision qui vient d’être rendue, ces derniers ne pourront plus se voir appliquer l’amende forfaitaire au titre des années au cours desquelles leurs comptes n’ont pas été utilisés.

Selon notre interprétation, les seuls encaissements de dividendes, intérêts ou plus-values ne pourront pas être considérés comme une utilisation du compte, dès lors que ces opérations de crédit ne sont pas « effectuées » par le titulaire du compte.

Nous entendons d’ailleurs faire valoir ces arguments pour nos clients qui sont en cours de procédure devant le STDR et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une transaction signée.-

Plus largement, tous les contribuables détenant des comptes à l’étranger seront désormais dispensés de les déclarer annuellement dès lors qu’ils n’auront réalisé aucune opération sur ces comptes au titre de l’année en cause.

Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du même jour, a également prononcé la décharge de l’amende forfaitaire de l’article 1736, IV du CGI pour un contribuable de la fameuse « liste Falciani » pour lequel l’administration n’a pas été en mesure d’établir l’utilisation du compte. Dans cette affaire, l’administration demandait par une substitution de base légale de soumettre le contribuable à l’amende forfaitaire au lieu et place de l’amende proportionnelle de l’article 1736, IV du CGI qui avait été jugée inconstitutionnelle par une décision QPC du 22 juillet 2016 (que nous avions commentée sur ce blog) dont ce contribuable était à l’origine.

Il semblerait donc que l’administration doive désormais s’en tenir à l’application de l’amende forfaitaire aux seuls contribuables ayant versé ou retiré des fonds sur leurs comptes détenus à l’étranger, ce qui va considérablement diminuer les recettes produites par ces amendes… et pourrait susciter une réaction de la part du Gouvernement dans le cadre du débat budgétaire (voir notre précédente actualité : http://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2016/11/20/amende-trust-ladministration-jette-leponge/).