Lorsqu’un parent souhaite aider l’un de ses enfants, il peut à son choix lui faire un don ou lui consentir un prêt. Au plan fiscal, le premier est taxable aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), mais le donateur s’appauvrissant définitivement, les sommes données ont quitté son patrimoine et n’ont plus à être déclarées dans son ISF, mais dans celui, le cas échéant, du donataire. Le second ne rend pas les DMTG exigibles, mais la créance doit figurer dans le patrimoine taxable à l’ISF du prêteur, tout en pouvant être déduite du patrimoine taxable de l’emprunteur. Elle doit également être remboursée.

Il arrive que pour ne pas supporter le coût des DMTG, les parties décident de déguiser un don en prêt. Si l’administration parvient à en apporter la preuve, elle peut alors s’opposer à la déduction de la dette chez le pseudo-emprunteur sur le fondement de la procédure de répression des abus de droit, donc avec application d’une pénalité de 80 %. Il ne semble en revanche pas qu’elle puisse taxer la mutation à titre gratuit si les conditions d’exigibilité des DMTG sur les dons manuels ne sont pas remplies.

La preuve d’un tel redressement n’est toutefois pas facile à rapporter, l’administration devant notamment démontrer l’intention libérale du prêteur, ce qui nécessite de convaincre le juge du caractère anormal du prêt consenti.

Une décision récente de la Cour de cassation a validé un tel redressement dans une hypothèse assez caricaturale : la mère résidait en Suisse et souhaitait aider son fils. La Suisse et la France étant à l’époque liées par une convention fiscale en matière de droits de succession qui attribuait le droit d’imposer les créances sur un débiteur français exclusivement à la Suisse, dont les cantons compétents en matière de DMTG ne taxent généralement pas les successions en ligne directe, la mère a préféré prêter les fonds à son fils plutôt que les lui donner.

Elle a ainsi procédé à six prêts entre 1989 et 2003 que le fils a consciencieusement porté au passif de son propre ISF, ce que le fisc a fini par contester en soutenant que les prêts étaient fictifs.

Le redressement est validé par les juges du fond sur la base du faisceau d’indices suivant : les prêts n’étaient pas rémunérés, ils étaient consentis par une mère à son fils, la prêteuse était très âgée, les prêts s’étaient succédées sans qu’aucun remboursement n’intervienne.

Par un arrêt n° 15-21.366 du 8 février 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en indiquant que parmi tous les indices relevés par la Cour d’appel, c’est celui relatif à l’âge de la prêteuse (99 ans lors du terme du premier prêt) qui démontre son intention libérale.

Cette décision mérite d’être pleinement approuvée : ni l’existence d’un lien de parenté entre les deux parties au prêt, ni l’absence de stipulation d’un intérêt ne nous paraissent de nature à eux seuls à révéler l’intention libérale du prêteur. En effet, le prêt est par essence un contrat gratuit, ce qui signifie que si les parties ne prévoient pas le versement d’un intérêt ou si la clause d’intérêt est nulle, aucun intérêt n’est dû ; les banques françaises l’ont appris à leur dépens dans les années 90 quand la jurisprudence a sanctionné par l’absence d’intérêts des Taux Effectifs Globaux mal calculés dans des crédits immobiliers.

De même, en présence de plusieurs enfants, un parent peut légitimement préférer aider l’un de ses enfants au moyen d’un prêt plutôt que de lui consentir un don qui pourrait rompre l’équilibre avec ses frères et sœurs s’il n’est pas en mesure de les aider dans les mêmes proportions. En effet, seule la donation-partage fige les valeurs données, alors qu’une donation simple obligera le donataire à rapporter le bien acquis avec les fonds donnés à la succession de son parent pour sa valeur à la date de son décès.

En revanche, un prêteur qui n’attend aucun remboursement de son prêt avant un âge bien supérieur à son espérance de vie ne peut raisonnablement pas prétendre avoir consenti un prêt. L’existence de proches liens de parenté avec l’emprunteur suffit alors pour démontrer son intention libérale à son égard.

En conclusion, si vous désirez aider l’un de vos enfants en lui avançant de l’argent, il est indispensable de prévoir dans le contrat que le remboursement intégral du prêt doit intervenir avant le dépassement de votre espérance de vie.