La CAA Paris rappelle que les traités fiscaux ne sont applicables qu’aux seules sociétés résidentes.
On sait que l’Ile Maurice fut longtemps considérée comme un paradis fiscal. Ce n’est toutefois plus le cas et cette petite île de l’océan Indien est liée à la France depuis le début des années 1980, par une convention fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune conforme au modèle OCDE. Elle bénéficie toutefois d’une fiscalité attractive avec la règle des « trois 15 » : une taxation à 15 % de la TVA, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, pas d’impôt sur les plus-values, d’ISF ni de droits de succession.
A côté de ses sociétés dites « domestiques » assujetties à l’impôt sur les sociétés au taux normal de 15 %, Maurice permet aux étrangers de constituer des sociétés dites « non-résidentes » qui sont soit totalement exonérées d’impôt (sociétés dites « GBLC 2 »), soit assujetties à un taux de 3 % (« GBLC 1 »). Dans les deux cas, ces sociétés ne peuvent pas exercer une activité à l’Ile Maurice, mais les publicités que l’on peut trouver sur internet mettent en avant le fait que les GBLC 1 bénéficieraient du réseau de conventions fiscales (une quarantaine) conclues par l’Ile Maurice.
Si la question de savoir si les GBLC 1 peuvent vraiment bénéficier des avantages des traités fiscaux n’a pas encore été tranchée par la jurisprudence, le sort des GBLC 2 vient de l’être par une décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 29 septembre 2017 (n° 15PA01773). La Cour vient en effet de juger que faute pour le contribuable d’apporter la preuve que la société qui avait rendu des prestations de services en France était assujettie à l’impôt mauricien, la société française ayant versé des sommes rémunérant lesdites prestations aurait dû précompter la retenue à la source de l’article 182 B du CGI. Et pour faire échec à cette taxation, le preneur de la prestation ne pouvait faire valoir qu’il ignorait le régime fiscal auquel était soumis la société mauricienne.
Cette décision ne peut qu’être approuvée : dans un contexte international, si l’une des parties décide de revendiquer l’application d’un traité fiscal pour se dispenser d’acquitter une imposition prévue par son droit interne, il lui incombe de se ménager la preuve qu’il entre dans son champ d’application, si besoin en demandant à son cocontractant de lui fournir tous les éléments utiles à l’administration de la preuve de l’application de l’impôt sur les sociétés au bénéfice engendré par le prix des prestations rendues. Faute d’avoir pris cette précaution élémentaire, le demandeur succombe logiquement.
Quant aux GBLC 1, elles risquent d’être privées de l’application du traité fiscal non pas parce qu’elles seraient exonérées d’impôt sur les sociétés mauricien, puisqu’une taxation à 3 % reste néanmoins une taxation, mais faute de substance sur place. En effet, la question de l’existence d’une substance suffisante constitue aujourd’hui le principal sujet de discussion lorsqu’une société étrangère bénéficiant d’un régime fiscal (très) privilégié perçoit des revenus de France. Et en creusant bien les conditions que la société doit satisfaire pour bénéficier d’un tel régime, on constate souvent qu’elle doit se faire la plus discrète possible dans son Etat de résidence, qui n’entend pas accorder de régime de faveur pour des opérations commerciales réalisées localement. Et c’est généralement là que les ennuis commencent…