Plus-value en report et PEA : un jugement très contestable du tribunal administratif de Rouen
Par un jugement du 21 décembre 2018 (n° 1603289, publié dans Droit Fiscal 25/19, comm. 302), le tribunal administratif de Rouen a tranché la délicate question de la combinaison entre le régime du PEA et celui du report d’imposition de l’article 150-0B ter du CGI.
On sait que les plus-values réalisées à l’intérieur d’un Plan d’Epargne en Actions ne sont pas imposables. Toutefois, lors de la clôture du PEA, les prélèvements sociaux deviennent exigibles.
L’affaire tranchée par le tribunal administrative de Rouen concernait un contribuable qui possédait des actions qu’il avait inscrites dans son PEA, qu’il a apportées à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qu’il contrôlait. Ce faisant, les conditions de fonctionnement de son Plan n’étaient plus respectées puisqu’il possédait par définition plus de 25 % de la société dont les titres lui avaient été remis en échange. Cet événement a entraîné la clôture de son Plan, le rendant redevable des prélèvements sociaux sur la plus-value d’échange.
Ayant acquitté les prélèvements en question, il en a demandé le remboursement au motif que cet apport aurait dû s’effectuer en suspension d’imposition, conformément au régime édicté par l’article 150-0B ter.
Confronté à deux normes d’égale valeur, le tribunal a fait prévaloir la loi spéciale – le régime du PEA – sur la loi générale – le régime du report de l’article 150-0B ter. Les juristes civilistes connaissent bien l’adageSpecialata Generalibus Derogant. Les juridictions administratives aussi, comme l’a parfaitement démontré le Rapporteur Public dans ses conclusions.
Le contribuable sentait bien que cette conclusion n’était guère satisfaisante, mais l’argument tiré de l’article 8 de la Directive « Fusions » qu’il a tenté d’invoquer a été écarté par le tribunal comme trop imprécis. Et c’est bien dommage, car s’il avait mieux articulé son recours, en déposant par exemple une QPC « Metro Holding »(https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2019/01/10/ne-fait-pas-du-metro-holding-qui-veut/), il aurait pu démontrer que rien dans ladite Directive ne permettait à la France de taxer un échange de titres, fussent-ils « logés » dans un PEA.
Nous ignorons si ce jugement a fait l’objet d’un appel, mais si tel est le cas, nous incitons vivement le redevable à rappeler à la Cour que s’il est effectivement bon de comparer deux normes d’égale valeur, cette comparaison ne vaut que pour autant que l’une d’entre elles ne heurte par ailleurs pas une norme supérieure, à savoir une Directive communautaire. Et en l’invitant le cas échéant à saisir la CJUE d’une demande d’avis, dont elle pourra à notre avis faire l’économie tant l’article 8 de la Directive est dépourvu de toute ambiguïté sur ce point.