L’article 3 du projet de loi de finances pour 2020 modifie l’article 4 B du CGI pour créer un nouveau cas de résidence fiscale en France : les dirigeants de grandes entreprises françaises (chiffre d’affaires annuel supérieur à 1 milliard d’euros) seront considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle.

En soi, cette mesure n’a rien de choquant. Elle ne vise d’ailleurs qu’à clarifier l’’application du critère du lieu d’exercice de l’activité professionnelle pour les dirigeants de grandes entreprises françaises évoluant à l’international qui, étant conduits à se déplacer fréquemment à l’étranger, peuvent trouver plus approprié d’y résider.

Elle aura de surcroît un champ d’application limité puisque lorsque le dirigeant concerné résidera dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions, ce critère de domiciliation cédera le pas devant les critères conventionnels, dont on sait qu’ils privilégient les liens personnels aux liens professionnels.

En revanche, la date d’entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2019 nous paraît nettement plus discutable. Le projet de loi de finances ayant été publié le 27 septembre 2019, les rares contribuables concernés ne pourront échapper à leur domiciliation fiscale en France pour la totalité de l’année, alors même que jusqu’à cette date ils étaient assurés d’être non-résidents.

Cette rétroactivité de fait nous semble pour le moins contraire à la garantie des droits visée à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.

Reste à savoir si le Conseil Constitutionnel sera saisi de cette question par les parlementaires lors du contrôle a priori de la loi. Et si en l’absence de saisine, le Conseil d’Etat acceptera de transmettre une QPC qui soulèvera une nouvelle fois la « subtile » question de la « petite rétroactivité » (ou rétrospectivité) de la loi fiscale en matière d’impôt sur le revenu.