Si le Conseil d’Etat suit les conclusions de son rapporteur public Benoît Bonhert qui seront lues à l’audience du 4 décembre 2019, il devrait renvoyer au Conseil Constitutionnel le soin de trancher la question de savoir si le fait d’avoir privé les contribuables ayant réalisé des plus-values d’échange de titres antérieurement au 1er janvier 2000 ou des plus-values d’apport à une société qu’ils contrôlent entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012 est ou non conforme aux principes d’égalité devant la loi et les charges publiques garanties par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.


Ce renvoi est attendu et l’argument de dernière minute sorti par l’administration de son chapeau selon lequel que notre client n’ayant apporté en décembre 2012 qu’une participation minoritaire n’entrant donc pas dans le champ matériel de la Directive « Fusions », il ne saurait se plaindre de subir une discrimination par ricochet, devrait faire long feu.


Ceci étant dit, l’affaire n’est pas gagnée pour autant. En effet, une issue favorable pour nos clients repose intégralement sur l’application de la jurisprudence « Metro Holding » du Conseil Constitutionnel (n° 2015-520 QPC du 3 février 2016) qui sanctionne les discriminations à rebours (ou par ricochet) que subissent les contribuables lorsque le droit français est moins favorable que le droit européen.


Or, il semble que notre juge constitutionnel, après avoir fait une large application de la notion de discrimination par ricochet, soit depuis quelques temps nettement moins enclin à donner satisfaction aux contribuables concernés sur ce terrain. Il a par exemple exclu les résidents d’Etats situés hors de l’Union Européenne du bénéfice de la jurisprudence « De Ruyter » (n° 2016-615 QPC du 9 mars 2017). Tout récemment, il a refusé aux actionnaires résidents français d’une société américaine ayant fait l’objet d’une scission le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu de l’attribution des titres de la société issue de la scission en l’absence d’agrément, alors même que cet agrément a été jugé contraire à la Directive « Fusions » par la CJUE (8 mars 2017, Euro Park Service, C-14/16).


Toutefois, nous ne sommes en principe pas dans un tel cas de figure et sauf à revenir totalement sur le sens de « Metro Holding », le Conseil Constitutionnel devrait nous donner satisfaction dès lors que tant nos clients que les sociétés dont les titres ont été échangés sont français. Il n’y aurait en effet aucune justification rationnelle tirée de l’esprit de la Directive « Fusions » à les traiter différemment des actionnaires français de sociétés européennes dont les titres font l’objet d’un échange et pour lesquels la CJUE considère que la plus-value qu’ils réaliseront lors de la cession des titres reçus en échange doit être traitée de la même manière que les titres échangés s’ils n’avaient pas fait l’objet d’un échange.


Nous saurons dans quelques jours si nous aurons l’occasion de défendre notre position devant le Conseil Constitutionnel dans les 3 prochains mois.