On se souvient que cette affaire, dont nous avions commenté le jugement de 1ère instance ici (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2015/05/07/le-veritable-enseignement-de-laffaire-ricci/), posait l’intéressante question de la portée de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel formulée le 4 décembre 2013 (n° 2013-679 DC) sur la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Dans cette décision, le Conseil avait considéré que des documents obtenus frauduleusement par une autorité administrative ou judiciaire ne pouvaient fonder des poursuites.


Par une décision du 29 janvier 2020 (n° 17-83.577), la chambre criminelle de la Cour de cassation valide l’utilisation de la liste volée à HSBC par Hervé Falciani au motif qu’elle a été obtenue de manière régulière dans le cadre d’une perquisition effectuée sur commission rogatoire internationale de la justice helvétique. Pourtant, il ne faisait pas de doute que les données figurant sur cette liste avaient bien été volées par Falciani en Suisse, fait attesté par un jugement définitif du tribunal suisse du 27 novembre 2015.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a-t-elle refusé purement et simplement d’appliquer la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel ? Un examen attentif de la décision nous laisse penser qu’il n’en est toutefois rien. En effet, le moyen de cassation n’était pas articulé sur la violation du droit français tel qu’interprété par le Conseil Constitutionnel, mais sur l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (droit au procès équitable). Le choix de ce fondement a permis à la Cour d’éviter de répondre à une question qui ne lui avait pas été posée.
Cela dit, cette affaire n’a probablement pas encore trouvé son épilogue dans la présente décision.


D’une part, l’arrêt d’appel est cassé pour d’autres motifs, de sorte que l’affaire va être évoquée une nouvelle fois au fond et, en cas de pourvoi, être réglée en Assemblée Plénière.


D’autre part, cette affaire est toujours pendante devant le juge de l’impôt et on peut espérer que la chambre commerciale déchargera les droits réclamés sur ce fondement, conformément à sa jurisprudence et celle du Conseil d’Etat (Cass. com. 31 janvier 2012, n° 11-13.098 et 11-13.097 ; CE 15 avril 2015, n° 373269, Sté Car Diffusion 78). Or, une décharge de l’impôt devrait, en application de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel rendue dans le cadre des affaires Cahuzac et Wildenstein (2016-545 et 546 QPC du 24 juin 2016), entraîner la relaxe des poursuites pour fraude fiscale si elle procède d’un motif de fond et non d’un vice de procédure.


En l’espèce, il pourrait être soutenu que la décharge de l’impôt ne résulterait pas d’un motif de forme. En effet, le juge de l’impôt annulerait le redressement non en raison d’un vice de procédure, mais pour le motif que faute de pouvoir utiliser les documents volés, l’administration échouerait à apporter le preuve de l’assiette des impositions éludées.


Cela donnerait à la jurisprudence l’occasion de préciser le sort qu’il conviendra de réserver aux poursuites pour blanchiment d’une fraude qui n’existera plus.


Bref, comme dans toutes les bonnes séries, celle-ci ménage bien son suspense !