A la fin d’une longue saga judiciaire en Suisse promet de succéder des moments peu agréables pour les contribuables français qui n’ont pas voulu régulariser leur situation auprès du fisc français tant qu’il était encore temps. En effet, la justice suisse a ordonné au fisc helvétique de répondre à partir du 12 juin à la demande d’entraide administrative formulée par la France en 2016 pour connaître l’identité des titulaires de 45.000 comptes détenus auprès d’UBS par des résidents français.


Résumé des épisodes précédents : en 2013, le fisc allemand saisit en Allemagne, chez une filiale d’UBS, une liste contenant 45.000 comptes anonymes mais dont les identifiants indiquent qu’ils appartiennent à des résidents français. Fort obligeamment, l’administration fiscale germanique s’empresse de la communiquer à son alter ego français, qui formule alors une demande d’assistance administrative auprès du fisc helvétique pour connaître l’identité des heureux titulaires.


On sait que le fisc helvétique refuse de transmettre des données volées et c’est ce qu’UBS prétend pour s’opposer à la transmission au fisc français, avec quelque succès puisque les juges du premier degré lui donnent gain de cause. Las, en appel la décision est annulée pour un motif qui démontre bien qu’en matière d’hypocrisie, nos amis suisses savent eux aussi jouer dans la cour des grands : la liste était certes bien protégée par le secret bancaire, mais sa divulgation ayant eu lieu à l’étranger, elle ne saurait être considérée comme ayant été acquise frauduleusement en Suisse. Exit donc la protection des données volées !


Toujours est-il que l’heure des comptes va bientôt sonner pour les « écureuils cachottiers » – comme le appelle notre ami Patrick Michaud sur son blog – qui ont préféré prendre la tangente plutôt que de régulariser leur situation sous l’empire de la Circulaire « Cazeneuve ». Et l’addition promet d’être salée : outre les impôts fraudés pendant dix ans (impôt sur le revenu et ISF), il leur faudra également acquitter des intérêts de retard (au taux de 4,8 % puis 2,4 %) et de lourdes pénalités (40 % puis 80 % à compter de 2016). Sans parler des amendes pour non-déclaration des comptes (1.500 € ou 10.000 € par an selon le pays où se sont réfugiés leurs avoirs) et, cerise sur le gâteau, des poursuites pénale pour fraude fiscale sanctionnée par 7 ans de prison et/ou 3 M€ d’amende. Même si le Conseil Constitutionnel plafonne le cumul entre ces différentes sanctions aux plus lourdes d’entre elles, l’ensemble ne devrait pas les laisser indifférent, sans même parler des honoraires de leurs divers avocats. On n’ose même pas mentionner l’application de l’article 755 du CGI dans l’hypothèse – hélas probable car tout cela devient très ancien et les banquiers suisses n’ont pas nécessairement gardé la trace des justificatifs attendus – où la preuve de l’origine des avoirs figurant sur le compte ne pouvant être apportée, les droits de succession au taux de 60 % seront dus.


Cela dit, même si les réductions d’amendes et majorations prévues par la Circulaire « Cazeneuve » ne leur seront en principe pas applicables, il est très probable que les contribuables concernés qui feront acte de repentance avant d’être découverts par le fisc grâce à l’exploitation de la liste seront mieux traités que ceux qui seront rattrapés par la patrouille. Même si aucune assurance que des remises pourront leur être accordées, notre expérience de ce type de situation nous conduit à penser qu’il est parfois possible de négocier un accord raisonnable et, plus souvent, d’éviter les poursuites pénales.


Les intéressés ont encore quelques semaines pour se décider. En effet, l’exploitation de la liste peut prendre un peu de temps, ne serait-ce que pour en écarter tous les contribuables qui auront, eux, profité de la Circulaire « Cazeneuve » pour se mettre en règle. Mais en octobre prochain, les premières demandes de justification devraient commencer à tomber. Et là, il sera trop tard pour négocier quoi que ce soit…