On sait que l’article 123 bis du CGI permet au fisc de réputer fiscalement transparentes les structures possédant un patrimoine financier soumises à une fiscalité privilégiée lorsqu’une personne physique résidente de France détient au moins 10 % de leurs droits financiers ou de vote. On sait également que la liste des structures visées inclut les personnes morales, organismes, fiducies et institutions comparables. On sait enfin que cet article contient une clause de sauvegarde permettant d’exclure de son champ d’application les schémas non dépourvus de substance au sens de la jurisprudence communautaire (Halifax et Cadbury Schweppes) lorsque l’entité est établie dans un pays lié à la France par une convention fiscale prévoyant l’assistance administrative et l’assistance au recouvrement.


Par une décision n° 19PA0458 du 24 juin 2020, la Cour Administrative de Paris est venue apporter des clarifications bienvenues sur plusieurs points.


Concernant le champ d’application de l’article 123 bis, les contribuables contestaient qu’un trust, qui n’a pas la personnalité morale, puisse constituer une entité visée par ce texte. La Cour confirme qu’au contraire, les trusts, à travers la fiducie dont ils constituent une « institution comparable », sont bien visés.


Toutefois, s’agissant en l’espèce d’un trust irrévocable et discrétionnaire, les contribuables établissent qu’ils n’ont détenu au cours de la période aucun droit financier ou de vote dans l’entité.
Or, le trust n’étant pas établi dans un Etat ou territoire non coopératif (ETNC), l’administration ne pouvait pas écarter l’application du seuil de 10 %, de sorte que même si le trustee avait procédé à des distributions à leur profit, le trust n’entrait pas dans le champ de l’article 123 bis.


S’agissant de l’application de la clause de sauvegarde, la Cour a pris soin de préciser que même dans l’hypothèse où il aurait été admis que leur trust était dans le champ d’application du texte, le fait que ce dernier ait été constitué à une époque où ils n’étaient pas résidents français pour des motifs patrimoniaux permettait aux contribuables de bénéficier de la protection de la clause de sauvegarde, puisque par définition l’interposition du trust ne pouvait avoir comme objet la réalisation d’un montage artificiel pour contourner la législation fiscale française.


Cette décision mérite d’être approuvée en tous points.


Sur le champ d’application du texte, il est clair que les trusts étaient dès l’origine visés par le législateur. En revanche, ce dernier a une fois de plus pêché par ignorance en se référant aux droits financiers et de vote, droits difficilement identifiables en présence d’une institution sans personnalité morale (sauf exceptions : les trusts néo-zélandais possèdent par exemple une personnalité morale). Il était donc logique d’exclure les trusts irrévocables et discrétionnaires.


Sur la clause de sauvegarde, c’est le bon sens qui l’a emporté : un schéma mis en oeuvre sous l’empire d’une juridiction fiscale autre que la France peut difficilement être considéré comme ayant été créé pour contourner la législation fiscale française. Il est d’ailleurs remarquable que la Cour se soit livrée à cet analyse alors que l’économie de moyens lui permettait de s’en dispenser. A n’en pas douter, elle a voulu faire passer un message fort à l’administration.


D’autres questions restent toujours en suspens. Si le constituant d’un trust irrévocable et discrétionnaire sort assurément du champ d’application de l’article 123 bis, qu’en est-il lorsque le trust est simplement discrétionnaire ? Nous ne voyons pour notre part aucune différence, l’existence des droits financiers et de vote ne résultant pas de l’irrévocabilité du trust mais de son caractère discrétionnaire, puisque le trustee est seul aux commandes. Nul doute que le juge de l’impôt aura un jour à trancher cette question.