Nous nous n’étions félicités il y a quelques années de l’alignement de la jurisprudence de la Cour de cassation sur celle du Conseil d’Etat en matière d’abus de droit rampant (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2015/07/donation-deguisee-et-abus-de-droit-attention-a-ne-pas-soulever-le-vice-de-procedure-trop-tot/). En l’occurrence, il s’agissait pour la Cour de sanctionner l’administration qui avait la mauvais habitude de taxer comme des donations qu’elle qualifiait d’indirectes des transactions à prix minoré ou majoré entre des personnes liées par des liens affectifs, le tout assorti de l’application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

Par un arrêt du 23 juin 2015 (n° 13-19486), la chambre commerciale de la Cour de Cassation avait jugé qu’en procédant ainsi, le fisc considérait implicitement que la donation n’était pas « indirecte » mais « déguisée », ce qu’il ne pouvait faire que dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit.


Il semble que la Cour ait pris conscience que sa position nouvelle avait fragilisé de nombreuses procédures de redressement et qu’elle soit tentée de faire machine arrière. C’est assurément l’impression que donne l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 14 avril 2021 (n° 18-15.623 F-D).


Dans cette affaire, l’administration avait prétendu que le contribuable avait consenti une donation indirecte à son futur conjoint en le remboursant d’un prêt que celui-ci lui avait préalablement consenti pour acheter un appartement. Comme elle lui avait de surcroît appliqué les pénalités de 40 % pour manquement délibéré, le contribuable demandait l’annulation de la procédure au motif de l’abus de droit rampant. Il trouvait un soutien non négligeable dans les écritures de l’administration devant les premiers juges, celle-ci ayant regrettablement intitulé l’un de ses paragraphes « dissimulation de la véritable nature du contrat ».


La Cour de cassation écarte néanmoins toute requalification en considérant que l’application des sanctions pour manquement délibéré ne saurait à elle seule apporter la preuve que l’administration se serait fondée sur l’existence d’une donation déguisée. Il est à cet égard intéressant de constater que non seulement la Cour refuse de donner une quelconque portée aux écritures du fisc devant le TGI, mais elle donne gain de cause sur le fond au contribuable.


La Cour paraît bien avoir profité de cette affaire pour envoyer un message fort tant à l’administration qu’aux praticiens. Non, la seule application d’une majoration exclusive de bonne foi ne suffit plus à apporter la preuve d’un détournement de procédure. Encore faut-il que le raisonnement suivi par l’administration soit erroné et que la donation réalisée soit réellement « déguisée » et non « indirecte ». En d’autres termes, l’administration doit soutenir que le contribuable a agi sciemment pour enrichir son cocontractant à son détriment et ne s’est pas simplement trompé sur la qualification de la convention conclue.


Pour notre part, nous trouvions la jurisprudence précédente bien plus rationnelle car on ne voit pas très bien comment le fisc pourrait infliger des pénalités pour manquement délibéré sans les asseoir sur la conscience qu’avait le contribuable d’éluder l’impôt. Donc sur l’existence d’une donation déguisée.


Nous espérons que les prochaines décisions rendues sur cette question permettront à la Cour de clarifier ce point.