(TA Cergy-Pontoise, 8ème chambre, 7 novembre 2023, n° 1914703)

On sait qu’en application du 9° de l’article 120 du Code général des impôts, les bénéficiaires de trusts sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre des produits distribués par les trusts. La notion de produits distribués n’étant pas autrement définie par la loi, la lourde tâche revient aux juridictions administratives d’en définir les contours.

Et en la matière, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise fait office de précurseur. En effet, il avait déjà considéré dans un  jugement du 21 mai 2013 (n° 1105647) que… « seuls peuvent être considérés comme produits de trust étranger, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dans le chef du bénéficiaire du trust, les sommes correspondant aux fruits générés par le capital affecté au trust, à l’exclusion de celles résultant de transferts portant sur la propriété de ce capital même ».

Il vient d’être confronté à la délicate question de l’articulation entre la fiscalité des mutations à titre gratuit et l’impôt sur le revenu, dont on sait que le législateur n’a strictement rien prévu pour coordonner les deux régimes lorsqu’il a réformé la fiscalité des trusts en 2011 (La jurisprudence Quemener étendue aux trusts ? – Blog du Cabinet Bornhauser avocats (bornhauser-avocats.fr). Par un jugement du 7 novembre 2023 rendu sur le champ d’application de l’article 120, 9° du CGI, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rappelle, au visa de l’article 792-0 bis du CGI, qu’il convient de distinguer les produits capitalisés, qui sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) lorsqu’ils sont transmis par voie de donation ou succession, et les revenus distribués, qui entrent dans le champ d’application du 9° de l’article 120 du Code général des impôts, avant de reprendre verbatim la formulation précitée. 

Dans l’affaire en cause, les contribuables avaient déclaré le boni de liquidation réalisé au titre de la liquidation d’un trust dont ils étaient bénéficiaires en 2014. A la suite d’un contrôle portant sur un autre aspect, ils avaient fait une réclamation afin de contester le caractère imposable du boni de liquidation du trust dès lors qu’il constituait, selon eux, un simple transfert d’avoirs déjà imposés dans le cadre de la succession du père de la requérante en 2007.

Toutefois, le tribunal administratif considère que le boni généré par la liquidation du trust, qui correspond à la différence entre le capital du trust au jour du décès du constituant et celui au jour de sa liquidation le 30 novembre 2014, n’est pas le résultat d’un transfert portant sur la propriété du capital du trust, dès lors que ce transfert de propriété a eu lieu au moment de la succession, mais constitue un revenu distribué au sens de l’article 120, 9°.

En outre, les contribuables avaient demandé, à titre subsidiaire, la déduction des droits de succession acquittés de la valeur du boni de liquidation. Or, le tribunal rejette cette demande sur le fondement de l’article 13-1 du Code général des impôts.

Sur le premier point, le tribunal valide la position de l’administration refusant le dégrèvement demandé en considérant que cette dernière avait correctement articulé la fiscalité des DMTG et celle des revenus en évitant toute double imposition des avoirs du trust, faisant ainsi du Quemener sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.

Ce qui est rassurant, c’est que l’administration semble également sur la même longueur d’onde et on aimerait qu’une instruction officielle fixe une bonne fois pour toute la doctrine administrative en ce sens.

Sur le second point en revanche, on comprend mal le refus du tribunal administratif, alors que les DMTG constituent bien une charge augmentative du prix de revient pour le calcul des gains en capital. Certes, l’article 120, 9° du CGI classe les revenus distribués par un trust dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et on sait que la jurisprudence refuse la déduction des frais d’acquisition du capital (pour les intérêts d’emprunt : CE 28 février 1968, n° 72470). Toutefois, un sort particulier devrait selon nous être réservé à la liquidation d’un trust, qui dégage économiquement un gain en capital même si ce dernier n’est que l’accumulation de revenus non distribués. Raisonner autrement priverait de toute justification la déduction des frais d’acquisition des titres pour le calcul des plus-values.

Mais ne boudons pas notre plaisir de constater que la jurisprudence est pour l’instant plutôt encline à « boucher les trous » qu’un législateur imprévoyant a laissé subsister dans un sens favorable non seulement aux intérêts du contribuable, mais surtout au bon sens !