Abus de droit et soulte : quand l’abus de soulte rend l’apport abusif
(CAA Paris 5 juin 2024, n° 23PA03788)
On sait que lorsque le contribuable ne peut pas justifier que la soulte dont il a bénéficié lors de l’apport de valeurs mobilières ou de droits sociaux à une nouvelle société n’avait d’autre but que de lui permettre d’appréhender des liquidités en franchise d’impôt sur le revenu, alors la jurisprudence considère la stipulation de la soulte comme abusive, sans remettre pour autant en cause le bénéfice du différé d’imposition (report ou sursis) de la part de la plus-value rémunérée en titres de la société bénéficiaire de l’apport tant que la soulte n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CE 31 mai 2022, n° 454288).
Un contribuable se pensant astucieux a essayé de pousser le bouchon encore plus loin. Afin de doubler le montant de la soulte qu’il espérait encaisser en franchise d’impôt, il eu l’idée d’apporter deux fois ses titres. Une première fois à une holding avec une soulte restant dans la limite de 10 %, puis un seconde fois les titres de la première holding à une nouvelle holding avec de nouveau une soulte respectant la fameuse limite.
Patatras ! L’administration fiscale, suivie par le juge, a considéré que la seconde opération n’avait eu pour seul but que de permettre au contribuable de percevoir une soulte globale excédant la limite de 10 %, ce qui lui a permis de considérer que la première opération ne pouvait pas bénéficier du différé d’imposition dans son ensemble et non simplement sur le montant de la soulte. En d’autres termes, l’ingéniosité du contribuable a abouti à ce que non seulement le montant des deux soultes devienne imposable, mais également toute la plus-value d’apport, avec application de la majoration de 80 % pour abus de droit.
Nos grand-mères avaient un dicton pour qualifier ce genre de situation : « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse »