L’obligation de déclarer les comptes bancaires étrangers s’applique-t-elle aux résidents étrangers ?
(CAA Paris 20 octobre 2025, n° 24PA00075)
On pensait que seuls les résidents français étaient soumis à l’obligation de déclarer leurs comptes bancaires étrangers. Que nenni, nous apprend la Cour Administrative d’Appel de Paris dans un arrêt du 20 octobre 2025 : si le contribuable est résident fiscal au sens de l’article 4 B, le fait que la convention fiscale conclue avec un État étranger décide, en application de ses propres critères, qu’il y a sa résidence fiscale ne le dispense pas pour autant de déclarer ses comptes étrangers et s’il ne le fait pas, il est redevable de l’amende de 1.500 € visée à l’article 1736 IV.
Cette décision semble se revendiquer du fameux arrêt du Conseil d’Etat du 5 février 2024 (n° 469771, Sté AXA Group Opérations), qui a jugé que les salaires versés à une personne qui a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI ne peuvent faire l’objet de l’application de la retenue à la source de l’article 182 B même si l’intéressé a son domicile fiscal hors de France en application d’une convention fiscale.
Toutefois, même si dans cette affaire le Conseil d’Etat a refusé de donner à la convention fiscale une portée autre que celle pour laquelle elle a été conclue, à savoir départir l’Etat de résidence d’un contribuable en cas de conflit, d’une part, et attribuer à l’un des deux États le droit d’imposer ses revenus, d’autre part, il ne nous semble pour autant pas exact d’en tirer la même conclusion que la Cour.
Dans l’affaire de 2024, le Conseil d’Etat a jugé que dès lors que le droit d’imposer les rémunérations du contribuable était bien attribué à la France par la convention fiscale, l’administration devait alors les taxer selon les règles applicables au contribuable compte tenu de sa situation au regard des règles fixant sa résidence fiscale, lesquelles ne pouvaient être que celles édictées par le droit interne. S’agissant en effet d’une retenue à la source à la charge de l’employeur, ce dernier, qui n’a pas une vue exhaustive de la situation du contribuable, doit pouvoir se fonder sur des règles claires, simples mais précises pour apprécier s’il est redevable ou non d’une retenue à la source dont, rappelons-le, le précompte lui incombe et dont il est responsable. Or, l’article 4 B est à cet égard d’une simplicité biblique : l’exercice d’une activité professionnelle non accessoire en France rend le contribuable résident français. C’est donc bien l’application du droit interne français qui permet le mieux à l’employeur de connaître le régime fiscal applicable à la rémunération qu’il verse.
Tout autre est le cas de l’obligation de déclarer les comptes ouverts, détenus et clos à l’étranger édictée par l’article 1649 A du CGI, qui n’est conçue que pour permettre au fisc de contrôler la situation fiscale des résidents français qui sont, contrairement aux contribuables non-résidents, tenus à une obligation fiscale illimitée sur leurs revenus mondiaux.
Soit le contribuable est résident français à la fois au sens du droit interne mais aussi, en cas de conflit de résidence avec un autre État, au sens de la convention fiscale applicable, et comme il supporte cette obligation fiscale illimitée, l’administration doit pouvoir connaître l’existence de ses comptes bancaires étrangers, soit il est non-résident par application d’une convention fiscale et il est soumis à une obligation limitée, de sorte que l’existence de comptes étrangers est une information qui n’a aucun intérêt pour le fisc.
L’enjeu de ce litige est assez faible : 1.500 € par an. Et pourtant, cette question de principe est importante et nous ne pouvons qu’espérer qu’elle soit tranchée rapidement par le Conseil d’Etat. En effet, si tous les non-résidents qui ont des liens avec la France doivent s’interroger sur la possibilité d’être résidents français au sens du droit interne afin de déposer, en annexe à une déclaration de revenus vierge, la déclaration annexe n° 3916 afin d’éliminer le risque de subir une amende de 1.500 € par an et par compte, il risque d’y avoir un sérieux embouteillage au Centre des Finances Publiques des Non-Résidents au mois de mai prochain…
