(Cass. Com. 13 avril 2024, n° 22-15.300 F-B)

On sait que pour que les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés soient éligibles à l’abattement de 75 % prévu par l’article 757 B du CGI, les éléments affectés à l’exercice de son activité professionnelle éligible doivent représenter plus de 50 % de l’ensemble.

L’une des principales difficultés à laquelle les praticiens sont aujourd’hui confrontés est de statuer sur la qualification – professionnelle ou non – de la trésorerie dont dispose la société objet du Pacte Dutreil.

La jurisprudence étant assez silencieuse sur cette question, on a pris l’habitude de rechercher la protection des décisions rendues sur ce point en matière d’ISF, où la trésorerie et les valeurs mobilières de placement présents au bilan bénéficiaient d’une présomption simple d’affectation professionnelle.

Pendant longtemps, l’arrêt Gandois (Cass. Com. 8 février 2005, n° 03-12.421), qui avait jugé qu’une trésorerie apportée pour un montant sans rapport avec les besoins de l’entreprise ne revêtait pas un caractère professionnel, faisait figure de décision d’espèce, la cour régulatrice considérant que si la présomption d’affectation professionnelle n’était pas irréfragable, l’administration ne parvenait pour autant généralement pas à la renverser.

Malheureusement, le vent s’est mis à tourner dans le mauvais sens : à plusieurs reprises, la Cour de cassation a validé des décisions de juges du fond ayant estimé que l’administration apportait la preuve du caractère non nécessaire à l’activité de ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la trésorerie excédentaire de l’entreprise », qui est généralement comptabilisée en Valeurs Mobilières de Placement (V. notamment Cass. Com.9 janvier 2019, n° 17-10.461 F-D ; Cass. Com. 6 juillet 2022, n° 19-20.439 ; Cass. Com. 11 mai 2023, n° 21-15.400 F-B).

La Cour de cassation a-t-elle senti que les positions qu’elle avait prises en matière d’ISF étaient invoquées abusivement en matière de Pacte Dutreil ? C’est ce que laisse penser la décision qu’elle a rendue le 13 avril 2024 dans le cadre d’un dispositif aujourd’hui abrogé, le Pacte Dutreil ISF, qui accordait un abattement de 75 % sur l’assiette de l’impôt lorsque les titulaires du Pacte s’engageaient à conserver leurs titres pendant 6 ans, sachant que les conditions relatives à l’activité de la société étaient les mêmes que pour le Pacte Dutreil Transmission visé à l’article 757 B du CGI.

La Cour casse en effet l’arrêt de la Cour de Paris qui avait considéré comme non professionnelle une trésorerie placée qui provenait de l’accumulation des bénéfices de l’entreprise, au motif que la Cour n’avait pas répondu à l’argument des requérants quant à l’origine de cette trésorerie. Or, si l’argument avait été inopérant, ce qui aurait été le cas si le simple constat que la trésorerie excédait les besoins de l’entreprise suffisait pour la considérer comme non professionnelle, l’arrêt d’appel n’aurait pas été cassé mais confirmé.

Il reste à espérer qu’à Bercy, la sous-direction C de la DLF accepte de recevoir le message envoyé par la Cour de cassation et donc de confirmer l’exonération de la trésorerie accumulée provenant de l’activité de l’entreprise dans les rescrits qui lui sont soumis, faute de quoi il faudra attendre d’autres décisions plus fermes pour que les praticiens, échaudés par les décisions rendues précédemment, prennent le risque « d’y aller » sous leur responsabilité.