Registre Public des Trusts : le Conseil Constitutionnel Fixe des Limites à la Transparence
Par une décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016, le Conseil Constitutionnel a jugé anticonstitutionnel le registre public des trusts au motif que le caractère public de ce registre – dont le bien-fondé n’était en lui-même pas contesté – portait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée compte tenu des objectifs de la mesure.
La Requérante soutenait que le caractère public de ce registre, qui permettait à tout résident français de connaître l’identité des bénéficiaires des trusts déclarés à l’administration fiscale, permettait en pratique de mettre sur la place publique l’équivalent anglo-saxon de ses dispositions testamentaires , ce qui pouvait l’exposer à des pressions de la part de ses héritiers.
Le Gouvernement objectait que l’atteinte était limitée dès lors que le montant des avoirs mis en trust n’étaient pas dévoilés. Certes, mais on peut tout de même s’interroger sur l’intérêt de rendre public un tel registre. Que cherchait à faire le législateur ? Encourager la délation, les dénonciateurs étant rebaptisés pour l’occasion « lanceurs d’alertes » ? Ce n’est pas flatter le trait le plus sympathique du caractère des français…
Il est vrai que par une décision n° 2013-684 DC sur la loi de finances rectificative pour 2013, le Conseil Constitutionnel avait validé le registre FICOVIE sur les assurances-vies. Toutefois, cette validation était fondée sur le fait que les modalités de consultation de ce registre étaient parfaitement encadrées et que donc seules les personnes ayant un intérêt à le faire pourraient le consulter. Et il est exact que le fichier FICOVIE n’est pas consultable sur internet par toute personne domiciliée fiscalement en France, mais seulement par certaines personnes clairement identifiées : agents des impôts, des douanes, officiers de police judiciaires, etc.
Cette décision marque indiscutablement un coup d’arrêt au grand mouvement de transparence qui traverse actuellement nos sociétés démocratiques, où le poids de la dette publique rend la fraude fiscale insupportable, alors que cette infraction bénéficiait autrefois d’une réelle indulgence. Le temps où l’évasion fiscale était qualifiée de « sport national » paraît bien loin…
Pour autant, la nécessaire lutte contre la fraude fiscale ne peut pas remettre en question nos libertés démocratiques et le Conseil Constitutionnel joue ici pleinement son rôle face au législateur qui, cédant trop facilement à l’émotion, vote parfois des mesures liberticides.
Le message est clair : lutter contre la fraude fiscale, certes, mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix.