On se souvient que lors de la précédente loi de finances, les députés avaient introduit par amendement l’article L 64 A du LPF afin de pouvoir réprimer les schémas à but principalement fiscal. Nous avions en son temps commenté cette mesure (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2019/02/08/quelques-considerations-sur-le-mini-abus-de-droit-fiscal/) qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2020.

L’administration vient enfin de commenter ce texte (BOI-CF-IOR-30-20 publié le 31 janvier 2020) et le moins que l’on puisse dire est qu’elle assure le service minimum. En effet, après avoir rappelé que l’article L 64 A constitue une extension de la clause anti-abus prévue par la Directive ATAD (codifiée à l’article 205 A du CGI) en matière d’impôt sur les sociétés à tous les autres impôts, elle se borne à renvoyer, sur le sujet ultra-sensible de son champ d’application, à ses commentaires de l’article 205 A (BOI-IS-BASE-70-10).

Or, si l’on examine lesdits commentaires, on constate que l’administration, tenue en la matière par la jurisprudence de la CJUE puisqu’elle commente du droit européen dérivé, assimile la notion de but « principalement » fiscal à celle de but « essentiellement » fiscal. Difficile de ne pas être rassuré par cette analogie, même si contrairement à celle commentant l’article 205 A du CGI, l’instruction sur l’article L 64 A du LPF n’est pas opposable à l’administration sur le fondement de l’article L 80 A du LPF.

Cela dit, on peut relever que dans le dictionnaire, le terme « principal » a deux acceptations possibles. Il signifie soit « qui a une valeur supérieure », soit « qui joue un rôle essentiel ». Le choix de l’administration de privilégier la notion de « rôle essentiel » est particulièrement bienvenu, surtout dans le domaine de la fiscalité patrimoniale où il aurait été extrêmement difficile de comparer les mérites respectifs d’avantages de nature différente, comme une économie d’impôt avec par exemple des règles de bonne gouvernance, la préparation d’une transmission ou l’évitement d’une indivision.

Les deux seuls exemples que l’administration donne en illustration d’opérations litigieuses sont également rassurants. Même si le ministre avait déjà clairement et rapidement écarté tout risque de remise en cause sur le fondement de ce texte des donations avec réserve d’usufruit, l’administration précise que les donations temporaires d’usufruit, soit pour aider un enfant majeur à financer ses études, soit au profit d’une oeuvre caritative, ne sauraient être critiquées dès lors que l’objectif poursuivi -aider son enfant ou financer une oeuvre charitable – est « valable », même si l’économie d’impôt procurée est « très importante ».

La lecture des commentaires administratifs de l’article L 64 A du LPF constitue indiscutablement une bonne surprise de nature à rassurer les contribuables inquiets et surtout leurs conseils. Espérons que l’application par le juge de l’impôt de ce texte qui, rappelons-le – a été imposé à l’administration par le Parlement leur réservera d’autres bonnes surprises, comme un abus de droit avec des pénalités réduites à 40 %, voire sans pénalité du tout. Un peu de patience tout de même : les premiers redressements ne pourront pas tomber avant janvier 2021.