L’usufruit viager est amortissable.
On sait depuis un jugement du tribunal administratif de Poitiers (21 novembre 1996, n° 95-1701) que les entreprises relevant de la fiscalité professionnelle (IS, BIC, BA, BNC) peuvent amortir l’usufruit des biens qu’elles possèdent sur la durée de celui-ci, étant précisé que l’article 619 du code civil interdit qu’une personne morale puisse bénéficier d’un usufruit d’une durée supérieure à 30 ans.
Même si l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 13-5 du CGI a limité l’intérêt de céder un usufruit temporaire, le cédant étant tenu de déclarer le produit de la vente non comme une plus-value, mais comme un revenu dans la catégorie d’imposition du revenu procuré par le bien démembré, la question de la durée d’amortissement de l’usufruit reste pertinente puisqu’il existe d’autres moyens de constituer un usufruit que par la cession du droit démembré.
La question qui se posait au juge de l’impôt était donc la suivante : dans l’hypothèse où l’usufruit transmis est viager, sur quelle durée est-il amortissable ?
Par un jugement du 14 mars 2017 (n° 1602812), le tribunal administratif de Strasbourg vient de considérer que l’usufruitier est alors fondé à amortir son droit en tenant compte de l’espérance de vie de l’usufruitier telle qu’établie par les tables de mortalité de l’INSEE.
Cette décision revêt une importance pratique non négligeable. En effet, lorsque le propriétaire du bien sur lequel l’usufruit est constitué est une personne physique, son usufruit est toujours viager : même s’il transmet cet usufruit pour une durée fixe, son décès entraîne toujours l’extinction de son droit, sauf si le nu-propriétaire est intervenu dans l’acte de constitution de l’usufruit pour accepter de ne recevoir ce dernier qu’au terme prévu, nonobstant le décès prématuré de l’usufruitier.
Cela signifie en pratique qu’en application de cette nouvelle jurisprudence, l’usufruitier en second pourra amortir son usufruit sur une durée plus courte que le terme prévu (30 ans maximum pour une personne morale) si l’espérance de vie de la personne physique sur la tête de qui le premier usufruit aura été constitué a une espérance de vie inférieure.
Rendue par une juridiction du premier degré, nous serions tentés de vous conseiller d’attendre d’en avoir confirmation par une juridiction supérieure. Il n’en est cependant rien : en la matière, l’administration fiscale ne semble guère décidée à porter les litiges au-delà des premiers juges…