L’article L.267 du LPF et le mystère de la lettre volée
« Nil sapientiae odiosius acumine nimio » : « Rien en fait de sagesse n’est plus détestable que d’excessives subtilités ». L’épigraphe du livre «la lettre volée » que Poe attribue à Sénèque ne figure pas dans l’œuvre répertoriée de ce dernier. En dépit de cette origine douteuse, la formule est fort inspirante pour mettre en œuvre une stratégie efficace contre l’application de l’article L.267 du LPF.
L’arrêt rendu, le 4 Mars 2020, par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en fournit l’illustration (Cass. com., 4 mars 2020, n° 19-14.749).
La Cour a rejeté une demande de transmission au Conseil Constitutionnel d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité ainsi formulée : « L’article L.267 du LPF est-il contraire aux droits de la défense et aux principes d’individualisation et de personnalité des peines garantis par les articles 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? ».
Le recours est repoussé pour un motif de pure procédure : le plaideur négligent a omis de déposer son mémoire dans les délais. Faut-il s’en affliger ? La QPC aurait-elle pu triompher ?
Le dispositif d’ensemble de l’article L.267 du LPF bouscule tous les principes normalement agités par les défenseurs des dirigeants poursuivis : les faits justificatifs sont toujours rejetés comme les demandes d’atténuation. Quelles que soient les circonstances, le dirigeant d’une entreprise censée être à responsabilité limitée est systématiquement condamné à payer la totalité de sa dette de TVA, avec pénalités et intérêts de retard. Cette jurisprudence est-elle compatible avec la Constitution ?
La question a déjà été posée à quatre reprises à la Cour de Cassation avec des angles d’attaque différents.
- Le texte ne porte-t-il pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété ? Non, répond la Cour de Cassation. En elles-mêmes, les dispositions de l’article L.267 LPF ne portent… « aucune atteinte à ce droit » (Cass. Com., 29 Novembre 2013, n° 13-40.055).
- Le texte ne prévoit aucun délai pour la mise en œuvre de l’action du comptable public. Cette lacune ne serait-elle pas de nature à porter atteinte aux principes de proportionnalité, de nécessité et d’adéquation des moyens employés au but poursuivi, au principe de respect des droits de la défense, au principe d’égalité devant la loi de la justice et au principe de clarté de la loi ? Non, répond la Cour de Cassation. Ce délai… « est vérifié concrètement par le juge devant lequel les redevables peuvent exercer un recours effectif » ; puis une QPC ne peut utilement invoquer l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (Cass. Com., 14 Janvier 2014, n° 13-40.061).
- Le texte permet d’engager une procédure à l’encontre de l’ancien gérant de société qui n’a pas participé aux opérations de vérification fiscale et qui n’a plus compétence pour contester le contrôle fiscal à l’encontre de la société. N’y a-t-il pas là une atteinte… « au principe d’égalité devant la loi et devant la justice, au principe de proportionnalité, de nécessité et d’adéquation, au respect des droits de la défense […], au principe de bonne administration de la justice, objectif de valeur constitutionnelle » ? Non, juge la Cour de Cassation. Cette situation… « est vérifiée concrètement par le juge devant lequel l’ancien dirigeant peut exercer un recours effectif, notamment en contestant la régularité et le bien-fondé de l’imposition réclamée ». Puis, l’objectif de bonne administration de la justice, certes de valeur constitutionnelle, ne peut être invoqué en lui-même à l’appui d’une QPC (Cass. Com., 16 Avril 2015, n°15.40.001).
- Le juge ne peut moduler la condamnation selon la gravité du comportement réprimé et l’avantage que l’intéressé a pu en retirer, quelle que soit l’incidence effective de ce comportement sur le montant de la dette fiscale de la société, et indépendamment des facultés contributives du dirigeant en cause. Cette absence d’appréciation n’est-elle pas contraire… « au principe de nécessité des délits et des peines, au principe de proportionnalité » ainsi qu’au droit au recours effectif » ? Non, répond la Cour de Cassation, par une décision très motivée. La Cour admet que, selon sa jurisprudence, le juge… « ne dispose pas du pouvoir de limiter le montant de la condamnation à prononcer » lorsqu’il considère que les conditions d’application du texte sont réunies. Mais, relève-t-elle, le dirigeant condamné dispose de plusieurs recours : il peut présenter un recours gracieux afin d’en être déchargé ; engager une action récursoire contre le débiteur principal ou des codébiteurs solidaires,… « de sorte que la mesure prononcée ne revêt pas le caractère d’une punition ». Par ailleurs, la situation du dirigeant de société est vérifiée concrètement et contradictoirement par le juge. A cette occasion, l’intéressé peut contester sa qualité de débiteur solidaire en se prévalant de l’ensemble des moyens que la société pouvait elle-même invoquer et, le cas échéant, par la voie de la question préjudicielle, remettre en cause le bien-fondé et l’exigibilité des impositions réclamées au débiteur principal (Cass. Com., 24 Janvier 2019, n°18-19.152).
Que de subtilités, excessives puisque déployées pour rien…
Chacun de ces arrêts prend soin de préciser que les dispositions de l’article L.267 du LPF… « répondent à l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ». Pour les juges, c’est bien là l’essentiel.
Dès lors, pourquoi encombrer la Cour de Cassation avec une cinquième QPC ? Même si la question est autrement tournée, le sens de la réponse sera invariable : le combat de l’Etat contre les fraudeurs justifie l’application, sous le contrôle minimum du juge, de ce texte d’exception.
Pourtant, il existe un autre moyen permettant de remettre radicalement en cause l’application de l’article L.267 du LPF. Comme la lettre d’Edgar Poe, il est visible, le juriste doit juste bien regarder et consulter sa bibliothèque. Ce moyen, nous l’avons beaucoup travaillé, il est prêt à l’emploi. Il permet selon nous aux dirigeants poursuivis d’éviter la condamnation.
A nos confrères qui affrontent une procédure, toujours pénible, toujours perdue, fondée sur l’article L.267 du LPF, nous pouvons proposer deux solutions :
- Lire attentivement le livre d’Edgar Poe, puis remuer la poussière d’une Bibliothèque de Droit bien fournie ou,
- Consulter notre Cabinet qui a trouvé et développé le moyen permettant d’échapper à l’application de l’article L.267 du LPF.