Plus-value immobilière et quasi-usufruit : la grande inconnue
On sait que pour les valeurs mobilières et droits sociaux, le traitement fiscal de la plus-value de cession des titres démembrés est clairement fixé par la doctrine administrative, en harmonie avec la jurisprudence (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60, n° 50, 2-7-2015). En cas de répartition du prix de vente entre les deux titulaires de droits démembrés, chacun déclare sa propre plus-value. En cas de maintien du démembrement, le nu-propriétaire est imposable en cas de remploi et c’est l’usufruitier qui l’est en cas de quasi-usufruit.
En matière de plus-value immobilière, la doctrine administrative n’envisage expressément que l’hypothèse de la répartition du prix de vente, pour indiquer que chaque titulaire d’un droit démembré paye l’impôt sur la plus-value qu’il réalise sur la cession de son droit (BOI-RFPI-PVI-20-10-10 n°320, 02-03-2016). Rien n’est dit sur le cas du maintien du démembrement. Certes, l’article 74 SE de l’Annexe II au CGI impose le recours au barème fiscal d’évaluation de l’usufruit pour la détermination de la répartition du prix de vente pour le calcul de la plus-value, mais ce texte ne régit en rien la question qui nous préoccupe.
Cette question paraît de prime abord largement théorique puisqu’en cas de vente d’un immeuble l’impôt est précompté par le notaire sur le prix de vente avant que celui-ci ne soit attribué à son (ou ses) destinataire final.
Il existe tout de même des hypothèses où cette question peut revêtir une importance particulière : par exemple, lorsque l’immeuble démembré est situé à l’étranger et l’un des titulaires d’un droit démembré réside en France alors que l’autre non. En effet, selon la convention fiscale préventive de double imposition applicable, la plus-value immobilière réalisée par le résident français sera également taxable en France, la double imposition étant neutralisée par l’attribution d’un crédit d’impôt égal à l’impôt étranger, ou y sera exonérée, avec prise en compte pour le calcul du taux effectif d’imposition (de peu d’impact – hors Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus – puisque l’impôt français est proportionnel). En gros, les anciennes conventions retiennent le second système alors que les nouvelles (ou les avenants aux anciennes) le premier. Et en cas d’imposition en France, une base taxable peut alors apparaître que le crédit d’impôt étranger ne neutralisera pas forcément.
Plusieurs raisons militent en faveur de la transposition des solutions retenues en matière de plus-values sur valeurs mobilières aux plus-values immobilières, à commencer par la rédaction très proche des articles 150-0D et 150 VB, qui prévoient que le prix de revient fiscal du bien vendu est son prix d’acquisition ou la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit.
Ensuite, l’analyse jurisprudentielle consistant à définir la redevable de l’impôt par référence au sort prévu pour le prix de vente, pourvu que celui-ci soit fixé avant la vente, paraît parfaitement transposable des droits sociaux aux immeubles. Après tout, même si les premiers sont des biens incorporels et les second des immeubles, il s’agit dans les deux cas de « biens » qui ont une valeur qui s’est appréciée depuis leur dernière acquisition.
Enfin et surtout, on comprendrait mal qu’il existe un régime différent pour les seuls titres des sociétés à prépondérance immobilière relevant de l’article 8 du CGI qui, contrairement aux autres droits sociaux, suivent le régime des plus-values immobilières. Sans brandir l’étendard du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt, une telle discrimination serait difficilement justifiable.