On sait que la Suisse et la France sont liées par une convention fiscale en date du 9 septembre 1968 en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune. Le 27 août 2009, un avenant est venu introduire un article 28 bis rédigé comme suit :
« 

  1. Les États contractants se prêtent mutuellement assistance pour la notification des actes et documents relatifs au recouvrement des impôts visés par la Convention (…)
  2. Un État peut faire procéder directement par voie postale à la notification d’un document à une personne se trouvant sur le territoire de l’autre État. Les notifications sont adressées par envoi recommandé avec accusé de réception. Le destinataire est réputé avoir été informé de la notification à la date de la présentation du pli (…). »

On sait aussi que l’article L 274 du LPF fixe à 4 ans la prescription de l’action en recouvrement du Trésor public, mais prévoit un délai supplémentaire de 2 ans lorsque le débiteur est établi dans un État qui n’est pas lié à la France par un instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.


Un contribuable s’étant exilé en Suisse mais ayant laissé en France une ardoise fiscale contestait que le Trésor ait pu lui notifier sa dette par voie postale. Le Conseil d’Etat lui donne tort sur ce point sur le fondement de l’avenant du 27 août 2009. En revanche, il lui donne gain de cause sur la forclusion d’une partie de l’action en recouvrement du fisc au motif que le délai de 4 ans de l’article L 274 du LPF était expiré dès lors que la clause d’assistance au recouvrement introduite par l’avenant de 2009 était similaire à l’article 8 de la Directive du Conseil du 16 mars 2010.
Cette décision suscite l’étonnement, mais ouvre des perspectives intéressantes.


L’étonnement d’abord. Certes, l’article 8 de la Directive prévoit bien une assistance pour la notification des actes. Mais l’article 10 du même texte introduit un chapitre IV intitulé « Mesures de recouvrement et mesures conservatoires » qui prévoit que les autorités de l’Etat requis fournissent l’assistance nécessaire aux autorités de l’Etat requérant pour le recouvrement forcé de leurs créances fiscales. Or, rien de tel n’existe dans la Convention franco-suisse.


Considérer que cette dernière offre une assistance au recouvrement des créances fiscales identique à celle prévue par la Directive ne relève pas de la force de l’évidence, c’est le moins que l’on puisse dire…


Pourtant, cette décision est destinée à faire jurisprudence puisque son fichage indique qu’elle sera mentionnée aux tables du recueil Lebon. Elle ouvre ainsi des perspectives intéressantes aux contribuables qui ont transféré leur domicile fiscal en Suisse et qui ont dû à cette occasion fournir des garanties au Trésor au titre de leur exit tax.

On sait que ceux qui sont partis en Suisse pour y travailler disposent déjà d’arguments fondés sur la liberté de circulation des travailleurs (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2019/03/exit-tax-en-cas-dinstallation-en-suisse-leurope-au-secours-des-expatries-francais/). En revanche, les retraités aisés – y compris ceux soumis au régime du forfait – vont à leur tour pouvoir se dispenser de fournir des garanties et surtout obtenir la main-levée de celles qu’ils ont données assorti du remboursement des frais qu’ils ont supportés.


Il n’est toutefois pas certain que l’administration fiscale française leur donne spontanément satisfaction…