(CE, plén. fisc., 13 juillet 2021, n° 435452)

On pensait savoir depuis la décision Gaillochet (CE 26 septembre 2014, n° 365573) que pour que les gains de management package bénéficient du régime des plus-values, il suffisait d’éviter de garantir le salarié/dirigeant-investisseur contre le risque de perte et que la plus-value qu’il était susceptible de réaliser ne lui soit pas non plus garantie. En revanche, la Place s’accordait pour considérer que si les instruments financiers (BSA, options, etc.) du management package lui étaient octroyés à leur juste prix, aucun redressement au titre d’un quelconque avantage n’était susceptible de lui être notifié dans la catégorie des traitements et salaires, de sorte que la plus-value qu’il serait le cas échéant amené à réaliser lors du débouclage de l’opération de LBO serait intégralement taxée comme une plus-value de cession de valeurs mobilières.

Certes, la petite voix dissonante de la Cour de cassation (Cass, 2ème civ. 4 avril 2019, n° 17-24.470), qui considérait pour sa part que le seul critère pertinent à prendre en considération était l’existence d’un contrat de travail ou d’un mandat social, maintenait un léger suspense. Toutefois, la Place préférait voir le verre à moitié plein et se dire que les positions de nos deux cours suprêmes finirait par s’harmoniser sur celle de la Cour la plus au fait des questions économiques, à savoir le Conseil d’Etat.


Patatras ! C’est exactement le contraire qui s’est produit : par une décision dont l’autorité nous assure qu’elle est là pour longtemps, la plénière fiscale du Conseil d’Etat a jugé le 13 juillet 2021 (n° 435452) que le critère pertinent n’était pas celui du risque pris par l’investisseur salarié ou dirigeant, mais la question de savoir si le management package lui avait été octroyé en sa qualité de salarié ou de dirigeant.


Cette décision fait l’objet de réactions à la hauteur de la déception qu’elle a causée, qui est immense. Non seulement elle limite les instruments de l’optimisation de la rémunération des managers à ceux sanctionnés par la loi (stock-options dont on sait qu’ils ne sont plus compétitifs, BSPCE au champ d’application réduit et actions gratuites vouées par défaut à un brillant avenir), non seulement les opérations en cours se dénoueront dans un cadre fiscal extrêmement dégradé par rapport aux attentes initiales des managers, mais elle met à risque de redressement toutes les opérations qui se sont débouclées après le 31 décembre 2017.


Pour éviter cela, la seule solution possible est de briser cette jurisprudence par la loi, en espérant que le législateur en profitera pour harmoniser dans le même sens la question des contributions sociales. Et en espérant qu’il acceptera de donner à son texte une portée interprétative, donc rétroactive, ou que l’administration acceptera de faire preuve de largeur d’esprit et de ne pas remettre en cause les opérations déjà débouclées.


Les organisations qui représentent les opérateurs du secteur (fonds d’investissement, entrepreneurs, investisseurs) sont déjà à pied d’œuvre et tous nos vœux de succès les accompagnent. Si la pente qu’elles ont à gravir est en ligne droite, elle est néanmoins assez raide…