L’article 70 de la loi de finances pour 2022 contient une disposition qui était réclamée depuis l’origine par les opérateurs. Que la condition d’habitude qui « sort » les cédants d’actifs numériques du régime de la flat tax de 30 % pour les faire tomber dans le barème progressif de l’impôt sur le revenu (avec donc une imposition pouvant aller jusqu’à 66,2 % (IR : 45 % + PS : 17,2 % + CEHR : 4 %) soit appréciée comme pour les opérations de bourse.
C’’est désormais chose faite : le nombre d’opérations réalisées au cours de l’année va officiellement cesser de faire le départ entre le simple particulier agissant dans le cadre de son patrimoine privé et l’opérateur habituel. Seules la mise en oeuvre de moyens professionnels, comme l’utilisation d’une plateforme de trading sophistiquée ou d’outils spéculatifs complexes, ainsi que l’obtention de frais de transactions réduits en contrepartie d’un engagement minimum sur les volumes traités pourront priver l’opérateur de la taxation forfaitaire.


Il y a toutefois une petite incertitude : très curieusement, la mesure n’entrera en vigueur qu’à compter des cessions réalisées en 2023. Concrètement, cela signifie que cette année encore, un nombre excessif d’opérations pourrait théoriquement permettre à l’administration de requalifier le régime fiscal applicable à l’opérateur particulier.


L’ambiguïté est regrettable, mais elle n’est pas pour autant problématique. En effet, la loi sur laquelle est aligné le régime des cessions de cryptomonnaies, à savoir l’article 92-2 1° du CGI, était elle-même déjà la codification de la jurisprudence. Par un arrêt du 14 février 2001 (n° 189572, Boniface), le Conseil d’Etat avait considéré que les opérations de bourse effectuées à titre habituel s’entendent de celles effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations. Il n’est à notre avis pas douteux que s’il était saisi du cas d’un particulier que l’administration prétendrait requalifier en opérateur habituel en raison du nombre importants d’opérations d’achat-revente réalisées pour lui faire perdre le régime de la flat tax, le Conseil d’Etat jugerait de la même manière.


Dans ce contexte, les contribuables qui s’amusent à « trader » le bitcoin ou le dogecoin à partir de leur téléphone portable n’ont aucun risque de voir leurs gains – et on sait qu’ils peuvent être considérables vue l’envolée récente de certains cryptoactifs – risquer d’être assujettis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.


Et on en vient à se demander pourquoi le législateur a jugé utile de reporter d’un an l’entrée en vigueur d’une mesure de bon sens qui se trouve en réalité déjà faire partie de notre droit positif…