Solidarité fiscale du dirigeant : la Cour de cassation refuse d’accorder une garantie supplémentaire
(Cass, com., 15 février 2023, n° 21-18.395 F-B)
On se souvient que nous nous étions émus du régime de solidarité fiscale du dirigeant d’une entreprise défaillante prévu par l’article L 267 du LPF tel qu’appliqué par la jurisprudence (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2021/04/responsabilite-fiscale-du-dirigeant-dentreprise-le-tresor-public-doit-debattre-avant-dassigner/). En effet, le juge prononce quasi-systématiquement cette solidarité à l’issue d’une procédure dont la seule garantie est pour le comptable public la nécessité, prévue par la doctrine administrative (BOI-REC-SOLID-10-10-30), de recueillir l’autorisation du responsable départemental des finances publiques, qui doit être produite avec l’assignation.
Or, nous relevions que l’article L 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration exige que les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L 211-2 du même code, ainsi que les décisions prises en considération de la personne, soient soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.
Nous en concluions qu’il n’y avait aucune raison que le responsable départemental se dispense d’un tel débat contradictoire avec le justiciable avant d’accorder son autorisation et que son défaut devait donc être sanctionné par la nullité des poursuites. Et nous avions réussi à convaincre du bien-fondé de notre position le TJ de Grasse mais pas la Cour d’Appel de Lyon.
La Cour de cassation vient de se prononcer à son tour sur l’arrêt de la Cour de Lyon et malheureusement pour les justiciables victimes de ces procédures expéditives, elle a jugé que la garantie dont nous nous prévalions n’était pas applicable en l’espèce, l’autorisation du responsable départemental n’ayant pas à être motivée.
Si elle peut sembler sévère, cette décision n’en est pas moins fort cohérente. En effet, l’autorisation préalable n’étant prévue que par la doctrine administrative et pas par un texte normatif, elle obéit à son régime propre qui résulte du seul BOFiP et qui doit être appliqué strictement. Elle n’est donc pas une décision qui entre dans le champ de l’article L 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration.
La Cour de cassation aurait parfaitement pu ajouter de manière prétorienne cette garantie mais on peut aussi comprendre, tout en le déplorant, qu’elle ait préféré considérer que la garantie de l’autorisation suffise dans un domaine où le Conseil Constitutionnel considère que la solidarité du dirigeant constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et non une sanction (Cons. Const. 21 janvier 2011, n° 2010-90 QPC).
Le mot de la fin reviendra à Guillaume d’Orange, dit Le Ténébreux, pour qui… « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer » !