(Tribunal Fédéral, 13 décembre 2022, 2C 365/2021)

Mauvaise nouvelle pour nos amis suisses (et français y résidant) qui détiennent un immeuble en France par l’intermédiaire d’une société civile immobilière : le Tribunal Fédéral vient en effet de juger que si la France ne fait pas usage de son droit de taxer, alors la Suisse le récupère.

On sait que la convention fiscale franco-Suisse préventive de double-imposition du 9 septembre 1966 prévoit que le droit d’imposer la fortune constituée de biens immobiliers est attribuée à l’Etat du lieu de situation du bien. On se souvient que par un avenant du 22 juillet 1997, les parts de sociétés à prépondérance immobilière ont été assimilées à des immeubles.

Toutefois, le droit d’imposer n’est pas exclusif et la convention a prévu d’éliminer la double imposition de manière différente selon que le contribuable réside en France ou en Suisse. Pour le résident français, la France taxe également la fortune située en Suisse mais octroie un crédit d’impôt égal à l’impôt suisse. Côté Suisse, la double imposition est évitée par l’application d’une exonération avec progressivité, les éléments de fortune exonérés étant pris en compte pour la détermination du taux effectif d’imposition applicable à ceux taxables en Suisse.

Comme la France ne soumet à l’Impôt sur la Fortune (ISF puis IFI) que les patrimoines excédant un certain montant (1,3 M€), les négociateurs suisses avaient obtenu d’inclure dans l’article 25 de la Convention une clause stipulant que l’exonération avec progressivité ne s’appliquait que sur justification d’une imposition effective en France.

Et c’est ce que vient de rappeler le Tribunal Fédéral dans son arrêt du 13 décembre 2022 : si les parts de la SCI appartenant au résident suisse ont une valeur taxable inférieure à 1,3 M€, de sorte qu’elles n’ont pas été effectivement soumises à l’impôt français, alors la Suisse retrouve son droit de les taxer en Suisse.

Cette décision concerne bien évidemment les résidents suisses qui possèdent des immeubles en France, que ce soit en direct ou par l’intermédiaire de sociétés du type SCI, qui doivent comparer leur taux d’imposition à la fortune dans leur canton avec le barème français de l’IFI pour décider dans quel État localiser leur base imposable. Mais cette décision rappelle également aux intéressés que si leurs biens français sont hors du champ d’application de l’IFI (notamment, les parts de sociétés non immobilières) ou bénéficient d’avantages fiscaux qui les laissent sous le seuil d’assujettissement à l’IFI (par exemple, abattement de 75 % sur les parts de Groupements Forestiers), alors ces actifs sont taxables à l’impôt sur la fortune dans leur canton.

Pendant longtemps, les autorités fiscales suisses n’ont pas manifesté une grande curiosité pour se saisir de cette base taxable. Comme le démontre cette décision du Tribunal Fédéral, la situation est manifestement en train de changer…