(CE 26 avril 2024, n° 472855)

On sait que lorsqu’une société civile fiscalement translucide détenue par des personnes physiques finance l’acquisition d’un immeuble locatif par un contrat de crédit-bail, l’administration (Réponse Moyne-Bressand :AN 17 juillet 1991, n° 42984) et la jurisprudence (CE 4 mars 2015, n° 360509) considèrent que la levée de l’option d’achat au terme du contrat entraîne, du fait du changement de catégorie d’imposition des loyers (taxés en Bénéfices Non Commerciaux pendant la sous-location, en Revenu Fonciers après l’acquisition de l’immeuble), l’imposition de la plus-value latente sur l’immeuble entre les mains de ses associés.

Cette taxation est-elle applicable lorsque les parts de la société civil preneuse du crédit-bail appartiennent à des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ? Les juges du fond ont pris sur ce point des positions contradictoires : La CAA Versailles a jugé que oui le 9 février 2023 (n° 20VE02886), alors que la CAA Nantes a jugé l’inverse le 28 novembre 2023 (n° 22NT01088).

Le suspense n’était pas insoutenable tant la position de la Cour de Versailles ne tenait pas la route. En effet, pour qu’il y ait changement de catégorie d’imposition, encore fallait-il qu’il y ait des catégories d’imposition différentes. Or, l’article 238 bis K du CGI est très clair : lorsque les droits aux bénéfices de la société de personnes appartiennent à des structures relevant de l’impôt sur les sociétés, la société de personnes doit déterminer son bénéfice selon les règles d’imposition de ses associés, donc l’impôt sur les sociétés, quelle que soit l’activité exercée par celle-ci.

Le Conseil d’Etat, qui était saisi d’un pourvoi contre la décision de la Cour de Versailles, a donc remis les pendules à l’heure en rappelant ces règles pourtant simples dont la Cour s’était écartée.

Comme le disait justement le regretté Professeur Cozian, la fiscalité des sociétés de personnes est un sac d’embrouilles. 40 ans plus tard, on n’en voit manifestement toujours pas le fond…