(CE 7 mai 2025, n° 489957)

On se souvient que la question des discriminations par ricochet ou à rebours va très prochainement donner lieu à deux décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : Contentieux des abattements pour durée de détention aux plus-values en report : Épilogue en vue

Cette perspective ne semble toutefois guère troubler le Conseil d’Etat, qui vient de juger le 7 mai 2025 que la combinaison des articles 1er du Premier Protocole Additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et de l’article 14 de la même Convention n’interdisait nullement de traiter moins bien une société mère intégrante recevant des dividendes d’une filiale établie en Suisse que si ces dividendes provenait d’une filiale établie dans un autre Etat-membre de l’Union Européenne.

En l’espèce, la société intégrante française demandait à ne pas réintégrer la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes perçus de sa filiale suisse, invoquant divers moyens qui ont tous été écartés comme inopérants par le Conseil d’Etat. Celui relatif à la Convention Européenne qui nous intéresse ici a été rejeté pour les mêmes motifs que ceux invoqués par le Conseil Constitutionnel lorsqu’il a mis fin à à sa jurisprudence Metro Holding : « le respect des exigences découlant du droit de l’Union européenne constitue un objectif d’intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu’elles sont ou non régies par ces règles » et « il ne résulte pas (de ce traitement discriminatoire entre dividendes « européens » et dividendes « Etats-tiers »)une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi ».

Il doit être noté que le moyen invoqué visait à comparer la situation d’une filiale située dans un autre Etat-membre et celle d’une filiale installée dans un Etat-tiers. Il est dommage que n’ait pas été invoquée la discrimination existant entre la situation d’une filiale française et celle installée dans un Etat-tiers. Car la discrimination subie est ici « chimiquement pure » et permet donc de s’affranchir du droit européen en coupant l’herbe sous le pied de l’argument relatif à « l’objectif d’intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu’elles sont ou non régies par ces règles ».

Nous verrons dans quelques jours si le contribuable concerné aura intérêt ou non à saisir la CEDH pour faire condamner la France, étant précisé que s’agissant d’un régime concernant la fiscalité des entreprises, on ne peut en tout état de cause pas exclure que la Cour constate l’existence d’un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi » et valide la discrimination. Car en matière économique, les États bénéficient indiscutablement d’une marge d’appréciation plus large. Et il n’est pas certain que la question de l’impact de la neutralisation de la quote-part de frais et charges pour un groupe d’assurances de dimension mondiale fasse beaucoup pleurer dans les chaumières…