(Cass. Com. 25 mai 2022, n° 19-25.513)

On sait que pour que ses associés puissent bénéficier de l’abattement de 75 % prévu par l’article 787 B du CGI lors de la transmission à titre gratuit de leurs titres, une société doit remplir plusieurs conditions :

  • Exercer principalement une activité éligible (industrielle, commerciale, agricole ou libérale),
  • Être dirigée pendant 3 ans par l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation ou d’un engagement individuel de conservation.

De plus, les signataires de l’engagement collectif de conservation doivent avoir conservé leurs titres pendant 2 ans (sauf engagement réputé acquis ou post mortem) et les bénéficiaires de la transmission à titre gratuit doivent conserver les titres transmis pendant 4 ans.


On sait également qu’une holding animatrice de groupe est assimilée à une société exerçant une activité éligible si son actif immobilisé est principalement constitué de filiales ayant une activité éligible qu’elle anime et contrôle.


On sait enfin que l’administration considère que la société dont les titres sont transmis doit continuer à exercer une activité éligible pendant toute la durée de l’engagement collectif et jusqu’au terme des engagements individuels (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 25).


Par un arrêt du 25 mai 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient de juger que le fait pour une holding animatrice de cesser, postérieurement à la transmission à titre gratuit de ses titres, d’exercer de manière prépondérante son activité éligible ne pouvait pas entraîner la remise en cause du régime de faveur. L’arrêt de la cour d’appel qui avait validé le redressement est cassé sans renvoi au motif que les conditions d’application du régime dont la loi ne prévoient pas qu’elles doivent être respectées tout au long des engagements doivent s’apprécier à la date du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire lors de la transmission des titres. Cet arrêt est appelé à faire jurisprudence puisqu’il sera publié au Bulletin.
Par cette décision, la cour invalide la doctrine administrative sus-citée et sécurise grandement le régime « Dutreil » en permettant aux sociétés dont les titres auront été transmis de ne plus exercer une activité éligible de manière prépondérante lorsque l’engagement collectif de conservation de 2 ans aura été respecté.


Rendue en matière de holding animatrice, cette décision ne dit pas clairement qu’une société opérationnelle classique pourrait changer d’activité au profit d’une activité purement civile, comme par exemple la simple gestion de son patrimoine immobilier ou financier après cession de son activité opérationnelle. Rien ne paraît toutefois l’interdire puisque force est de constater que l’article 787 B du CGI n’exige nullement que la société dont les titres sont transmis devrait continuer à exercer une activité éligible au-delà de la durée de l’engagement collectif de conservation.


Cette décision sera accueillie avec soulagement par les praticiens, tant le suivi du respect de la condition de la prépondérance de l’activité éligible pouvait virer au casse-tête dans un monde en perpétuel changement. 6 ans, c’est en effet très long, mais 2 ans, c’est beaucoup plus facile à gérer, surtout que rien n’interdit d’attendre le dernier moment, c’est-à-dire le terme de l’engagement collectif, pour effectuer la transmission.


L’administration va devoir revoir sa copie, en espérant qu’elle saura résister à la tentation de modifier la loi. Seule certitude si elle le fait : faute de motif impérieux d’intérêt général, cette condition ne devrait pas pouvoir être appliquée rétroactivement, c’est-à-dire aux transmissions déjà réalisées.