Campagnes PUMA : les tribunaux nous donnent raison
1. La cotisation 2016 (PUMA I)
Dans le sillage du jugement de Lille que nous avions obtenu, les tribunaux de Clermont-Ferrand, Créteil et Rouen annulent les cotisations pour tardiveté de l’appel. Nous n’enregistrons aucune décision contraire.
L’affaire est maintenant portée devant la 2ème chambre civile de la Cour de cassation. A la lecture du mémoire de l’URSSAF qui soutient que sa violation du délai fixé à l’article R 380-4 du CSS échapperait à toute sanction, nous avons une pensée pour notre maître Charles Eisenman, inculquant les principes généraux du droit aux étudiants de première année :
« Toute norme juridique est dans la pensée de celui ou de ceux qui la posent, faite pour être exécutée, c’est-à-dire réalisée en fait par une conduite conforme. »
Cette vérité n’a pas pénétré l’URSSAF du Val-de-Loire. Puisse-t-elle triompher devant la Cour de cassation car, après tout, elle constitue le fondement de notre Etat de droit.
2. La cotisation 2017 (PUMA 2)
A ce jour, aucun tribunal ne s’est encore prononcé et nous aurons l’honneur de défendre les intérêts des cotisants devant le TGI de Bordeaux le mois prochain. Toutefois, certains juges saisis du contentieux de la cotisation 2016 ont passé en revue trois autres moyens soulevés dans nos mémoires, que les lecteurs de ce blog connaissent bien et qui concernent également les cotisants de 2017.
Le TGI de Rouen a accueilli favorablement notre moyen tiré de la violation de la recommandation de la CNIL sur la transmission des données. Cette jurisprudence intéresse tous les cotisants qui ont reçu l’appel de cotisation d’une URSSAF se trouvant dans une autre région.
Le TGI de Rouen a aussi sanctionné le défaut d’information par l’Administration fiscale concernant la transmission des données. Tous les cotisants peuvent se prévaloir de cette bienheureuse application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
En revanche, les tribunaux de Rouen et Créteil ont, pour de mauvaises raisons dont nous sommes un peu responsables, rejeté à tort le moyen tiré de la nécessaire application de la réserve d’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2019. Cette déconvenue nous donne l’occasion d’alerter nos confrères qui nous font l’honneur de s’inspirer de notre blog sur les limites de celui-ci : les explications qui y sont contenues ne peuvent être aussi exhaustives que celles de nos mémoires. Le format nous l’interdit. C’est ainsi que nous avions omis d’indiquer dans nos articles qu’une réserve d’interprétation a, comme toute jurisprudence, une portée rétroactive. L’URSSAF s’est engouffrée dans la brèche et le juge de Créteil s’est trompé.
Nous sommes désolés de lire :
« La décision du Conseil constitutionnel (…) ne vaut que pour l’avenir. Cette haute juridiction n’a pas entendu donner une portée rétroactive à sa décision alors qu’elle dispose de moyens pour aménager dans le temps les effets de cette décision. »
Non ! Le juge de Créteil confond les effets d’une décision QPC d’annulation et les effets d’une réserve d’interprétation QPC. En effet, toute réserve d’interprétation a une portée rétroactive.
Il eût fallu lire au Tribunal le passage consacré à la question dans la remarquable thèse de M. Benzina sur l’effectivité des décisions du Conseil constitutionnel (LGDJ 2017). C’est ce que nous ferons à Bordeaux le mois prochain.
Le TGI de Rouen s’est perdu dans des considérations sur les recours QPC. Puisse le juge de Bordeaux admettre que la théorie du droit vivant fait obligation à tous les juges ordinaires d’assurer l’effectivité des décisions du Conseil constitutionnel. Nous lui citerons cette exhortation de M. Samuel, représentant du Conseil constitutionnel aux membres de la Cour de cassation :
« En émettant une réserve, le Conseil constitutionnel laisse s’échapper dans le champ juridique une disposition qui, interprétée autrement qu’il l’a fait, n’est pas conforme à la Constitution. C’est alors le dépositaire de la réserve qui devient, en quelque sorte, le dépositaire du respect de la Constitution. Le juge autre que le juge constitutionnel, qui n’est pas juge de la conformité à la Constitution, devient le garant du respect de celle-ci. C’est dans une certaine mesure un acte de confiance de la part du juge constitutionnel. »
3. La cotisation 2018 (PUMA 3)
La PUMA 3 cumule les vices de PUMA 1 et PUMA 2, plus encore un autre. Pour une raison qui nous échappe, l’URSSAF du Centre Val-de-Loire a sous-traité la tâche de l’envoi postal des appels de cotisation à l’URSSAF de Montpellier. Ce dédain affiché à l’égard de la CNIL qui avait recommandé que toutes les opérations de traitement des données personnelles soient effectuées en un seul lieu, celui du cotisant, lui vaudra, on l’espère, d’être également sanctionnée.