Un arrêt récent de la Cour Administrative de Bordeaux (16 juin 2020, n° 18BX02138) nous permet de revisiter la question de la preuve du dépôt d’une réclamation contentieuse lorsque l’administration prétend ne pas avoir reçu le courrier la contenant.


Les faits de l’espèce étaient les suivants. Le contribuable avait déposé une réclamation contentieuse en même temps qu’un autre membre de sa famille pour obtenir la correction d’une même erreur dans leur déclaration. Toutefois, alors que la réclamation de l’autre pétitionnaire avait été admise rapidement, l’instruction de sa propre réclamation traînait en longueur.


Le contribuable n’était pas particulièrement pressé : il avait payé l’impôt et les intérêts moratoires non imposables couraient à son profit. Mais au bout de quelques années de silence et ne voyant toujours rien venir, il reprit contact avec le Service en envoyant une copie de sa réclamation, à laquelle était jointe le bordereau de dépôt et l’accusé de réception. De mauvaise grâce, l’administration a rouvert le dossier et constaté l’erreur commise par le contribuable. Toutefois, alors qu’il attendait sa décision de dégrèvement, ce dernier eut la surprise de recevoir une décision de rejet au motif que l’accusé de réception ne portait pas le même numéro que le bordereau d’envoi. Manifestement, l’accusé de réception de l’autre réclamation avait été interverti avec le sien lors du classement du dossier. Et l’administration d’en conclure avec la plus parfaite mauvaise foi qu’il n’avait jamais déposé de réclamation et qu’il était donc forclos. Opinion partagée par les premiers juges.


Fort heureusement, la Cour a infirmé le jugement en relevant que selon l’article L 286 du LPF : « Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d’une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d’un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi ». Or, le contribuable produisait un avis de dépôt d’un courrier recommandé adressé en temps utile, de sorte que sa réclamation avait régulièrement interrompu la prescription.


Ce n’est donc pas la preuve de la réception par l’administration de la réclamation qui compte, mais celle de son envoi. Les contribuables vont donc pouvoir économiser 1,15 € en se dispensant de demander un accusé de réception à leurs réclamations, ce qui ne va pas aider La Poste à redresser ses comptes…


La Cour ayant renvoyé l’affaire au tribunal administratif de Bordeaux pour qu’il statue sur le fond, l’administration fiscale, enfin bonne joueuse, a spontanément dégrevé l’impôt en cours d’instance.