On se souvient qu’à la suite de l’élection de François Hollande à la présidence de la République, le législateur est revenu sur la réforme de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune votée sous Nicolas Sarkozy, en créant une Contribution Exceptionnelle sur la Fortune qui rétablissait l’ancien barème de l’IASF pour l’année 2012, avec la particularité de ne comporter aucune mesure de plafonnement.


Le Conseil Constitutionnel n’y avait toutefois pas vu malice et avait justifié cette absence par le caractère exceptionnel de la mesure (n° 2012-654 DC du 9 août 2012). En d’autres termes, la spoliation était justifiée parce qu’elle n’avait pas vocation à se reproduire.


Pour un certain nombre de contribuables, la pilule était si amère qu’ils ont décidé de contester cette contribution lorsqu’elle représentait plus que la totalité de leurs revenus de l’année 2011 en se fondant sur le droit au respect des biens garanti par l’article Premier du 1er Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.


De manière peu surprenante, les juridictions du fond leur ont donné tort et les premières affaires sont arrivées devant la chambre commerciale de la Cour de cassation. Par deux décisions n° 18-26.479 et n° 18-26.480 du 2 décembre 2020, celle-ci a rejeté le recours des contribuables.


La cour a en effet considéré que la circonstance que la contribution ait représenté un montant supérieur aux revenus de l’année précédente des contribuables ne suffisait pas à établir son caractère confiscatoire pour les motifs suivants :

  • elle n’a représenté que 1,44 % et 1,06 % de leur patrimoine,
  • son paiement ne s’est pas traduit par un réel appauvrissement des contribuables puisque leur patrimoine au 1er janvier 2013 était supérieur à celui au 1er janvier 2012.

La Cour a dû être très impressionnée par l’existence d’une décision du Conseil Constitutionnel défavorable à la position des requérants pour adopter des motifs aussi sophistiques.


La spoliation ne résulte en effet pas de la privation d’un certain pourcentage du patrimoine du contribuable, mais du fait que l’impôt à acquitter est supérieur à ses revenus. En effet, les impôts, même liés à la détention d’un patrimoine, doivent pouvoir être acquittés avec les revenus du contribuable, qu’ils proviennent de son travail ou du rendement de ses biens. Le taux du prélèvement sur le patrimoine n’est donc pas le taux de la spoliation. Ce dernier est le taux qui excède celui qu’il ne faut pas dépasser sauf à rendre le prélèvement excessif. On peut légitimement penser que ce taux se situe autour de 75 % des revenus du contribuable.


Mais l’autre motif retenu par la Cour est encore plus critiquable. Elle dénie au contribuable le droit de se plaindre d’avoir été spolié parce qu’il a réussi à se refaire au cours de l’année 2012 ! C’est vraiment un comble…
Nous espérons que les contribuables concernés par cette décision relèveront le gant et iront poser la question directement à la CEDH. C’est en tout cas ce que nous avons l’intention de faire lorsque la Cour de cassation rejettera les nombreux recours que nous lui avons déférés.


Sauf si la Cour accède à la demande que nous avons formulée – mais qui ne semble pas l’avoir été dans les deux affaires qu’elle vient de juger – de saisir la CEDH d’une demande d’avis sur le fondement du 16ème Protocole additionnel à la Convention. Cette procédure nouvelle (l’avenant n’a été ratifié par la France qu’en 2018) présente en effet l’avantage d’obtenir de la CEDH une seule décision fixant une fois pour toutes les critères d’appréciation du droit au respect des biens au sens de la Convention Européenne. Elle permet d’éviter de multiplier inutilement les recours et d’encombrer la CEDH.


Nous formons donc le vœux que la Cour de cassation accède à notre demande et sursoie à statuer sur toutes les affaires dont elle est saisie dans l’attente de la réponse de la Cour Européenne.

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En cette saison des miracles, peut-être serons-nous entendus…