L’amende forfaitaire pour non-déclaration des comptes à l’étranger est-elle réellement due ?
Suite à une requête déposée par notre cabinet, le Tribunal administratif de Paris vient de transmettre au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’amende pour non-déclaration des comptes détenus à l’étranger, sur le fondement de son caractère manifestement disproportionné (la décision est disponible ici).
En effet, l’article 1736, IV du Code général des impôts (CGI) [1] inflige une amende de 1.500 € par compte ouvert, utilisé ou clos à l’étranger lorsque ce compte n’a pas été déclaré lors de l’établissement de la déclaration annuelle de revenus. Le montant de l’amende est porté à 10.000 € lorsque le compte est situé dans un Etat ou un territoire n’ayant pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires.
Or, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose dans son article 8 un principe de nécessité des peines : « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » (Article 8).
Le Conseil constitutionnel s’est déjà fondé sur ce principe pour censurer des sanctions fiscales susceptibles de « revêtir un caractère manifestement disproportionné » (Décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988) ou « hors de proportion avec la gravité de l’omission ou de l’inexactitude constatée » (Décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998).
L’article 1736, IV du CGI édictant une sanction fiscale en valeur absolue, 1.500 € ou 10.000 € selon le lieu de situation du compte à l’étranger, sans aucune proportionnalité en fonction de la gravité du comportement des contribuables, nous considérons qu’il pose une question sérieuse de constitutionnalité.
Le cas d’espèce était particulièrement favorable à la transmission d’une QPC, dans la mesure où l’amende infligée aux contribuables représentait 87 % du solde du compte au jour de sa clôture.
Le Conseil d’Etat doit désormais se prononcer rapidement sur la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel. En cas de transmission, le Conseil constitutionnel disposera alors de trois mois pour statuer sur la constitutionnalité du IV de l’article 1736 du CGI.
Si le Conseil constitutionnel censure l’article 1736, IV du CGI, le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) devra renoncer à réclamer le paiement de l’amende pour non-déclaration des comptes à l’étranger aux contribuables faisant l’objet d’une procédure de régularisation spontanée de leurs avoirs détenus à l’étranger. Cependant, les contribuables ayant déjà signé une transaction avec l’administration fiscale ne pourront pas revenir dessus.
Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), decision anonymisée[PDF]
[1] Il s’agit ici de la rédaction en vigueur à l’époque des faits de l’espèce, c’est-à-dire antérieurement à l’instauration de l’amende de 5 % pour les comptes dont le total des soldes est supérieur ou égal à 50.000 €.