L’arrivée (très discrète) des remboursements « de Ruyter bis »
Plusieurs mois se sont écoulés depuis l’arrêt du 14 mars 2019 (C-372-18, M. et Mme Raymond Dreyer), chroniqué dans une précédente actualité, par lequel la CJUE réitérait une position déjà prise en 2015 dans l’arrêt de Ruyter : les contributions sociales sur les revenus du patrimoine qui sont mises en France à la charge de contribuables relevant du régime de sécurité sociale d’un autre Etat de l’UE ou de la Suisse sont contraires au Règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004.
Le sort des contributions sociales calculées sur les revenus locatifs et plus-values immobilières de source française des années 2015, 2016 et 2017 était désormais scellé. Suite à cette nouvelle affaire, et sur la base de la première, on imaginait volontiers que les événements s’enchaîneraient de la manière suivante : d’abord, l’administration fiscale jouerait la montre en attendant, avant toute prise de position officielle, l’arrêt définitif de la Cour administrative d’appel de Nancy à venir suite aux précisions de la CJUE puis, se pourvoyant en cassation contre cet arrêt, la décision définitive du Conseil d’Etat ; enfin, elle publierait à l’attention des contribuables concernés une « notice » leur expliquant comment obtenir la restitution des sommes indûment mises à leur charge au titre de leurs revenus.
Or, cette approche se révèle absolument fausse, certains de nos clients ayant d’ores et déjà reçu le dégrèvement et la restitution des sommes litigieuses.
Un de nos clients, résident britannique, vient ainsi de recevoir un dégrèvement des contributions sociales sur ses revenus fonciers de 2015 de la part de la Direction des Impôts des Non-Résidents, qui l’invite à se désister de l’instance qu’il avait introduite devant le Tribunal administratif de Montreuil en 2017.
Un autre client, résident français mais exerçant son activité professionnelle au Luxembourg et soumis à ce titre au régime local de sécurité de sociale, a obtenu le dégrèvement des contributions sociales sur ses revenus du patrimoine 2015, 2016 et 2017 de la part de la Direction régionale de la région Grand Est, sans même avoir eu à saisir le Tribunal administratif.
Il est donc clair que les autorités fiscales considèrent en haut lieu que la restitution des contributions sociales litigieuses ne nécessite plus l’intervention d’une nouvelle décision de principe. Dans ces conditions, il est même probable que l’administration fiscale s’abstienne de tout recours contre l’arrêt de la CAA de Nancy et que le Conseil d’Etat n’ait donc jamais à se prononcer à nouveau.
La discrétion semble ainsi devenue le maître mot et on ne peut que supposer que l’administration fiscale n’organisera cette fois aucune « campagne officielle » de restitution en faveur des contribuables concernés. Outre le caractère peu flatteur de ce sujet, qui révèle au grand jour la persévérance diabolique du législateur dans une erreur que chacun pouvait pourtant voir, il est de toutes façons bien tard pour entreprendre une telle campagne : les contributions sur les revenus de 2015 sont déjà frappées par la prescription et celles des revenus 2016 le seront à la fin de l’année.
Les finances publiques auront ainsi, à tout le moins, pu prospérer sur le dos des contribuables les moins soucieux de faire valoir leurs droits en temps utile.
Nous sommes pour notre part à l’entière disposition de ceux qui souhaiteraient nous voir engager ou reprendre, pour la mener à son terme, une procédure de demande de restitution en leur faveur.