On se souvient qu’à la suite de deux décisions du Conseil d’Etat et de la Cour Administrative d’Appel de Versailles commentées ici (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2020/11/lourdes-menaces-sur-larticle-244-bis-b-du-cgi/), nous avions attiré l’attention sur le défaut de conformité de l’article 244 bis B du CGI avec la liberté européenne de circulation des capitaux.


Rappelons que cet article permet d’assujettir à l’impôt français les plus-values réalisées par les non-résidents à raison de la cession de participations supérieures à 25 % des droits dans les bénéfices de la société française par la voie d’un prélèvement qui fonctionne selon les mêmes modalités que celui applicable aux plus-values immobilières (nécessité de désigner un représentant fiscal lorsque le cédant n’est pas résident de l’UE/EEE, etc.).


Face au « trou dans la raquette » qui permettait aux sociétés étrangères d’éviter totalement l’impôt sur les plus-values français (et au risque d’extension aux sociétés françaises par le biais de la discrimination à rebours qu’elles subissaient), le législateur a fini par s’emparer de la question et la loi de finances rectificative en cours d’adoption modifie substantiellement l’article 244 bis B.

Pour rendre le texte conforme au droit communautaire, le législateur n’a pas retenu notre proposition d’augmenter le niveau d’entrée dans le champ du texte ne plus viser que les participations majoritaires, ce qui lui aurait permis d’en « sortir » mécaniquement la liberté de circulation des capitaux – qui s’applique avec les États tiers – pour n’y laisser que la liberté d’établissement, réservée aux résidents de l’UE/EEE. Il est vrai que cette approche n’aurait pas pour autant permis de sécuriser le droit français, puisque la procédure de dégrèvement de l’impôt sur les sociétés à hauteur de la différence entre le taux prévu par l’article 244 bis B et celui résultant de l’application du régime mère-fille n’était prévue que par voie d’instruction, ce que la jurisprudence avait sanctionné par l’annulation de l’imposition résiduelle.


Le niveau reste à 25 %, mais la loi codifie la procédure de dégrèvement, d’une part, et ouvre son application aux contribuables résidents d’Etats tiers liés à la France par une convention fiscale prévoyant l’assistance administrative et coopératifs, d’autre part, « sous réserve qu’ils ne participent pas de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société dont les titres sont cédés ou rachetés ». C’est-à-dire qu’ils ne relèvent pas de la liberté d’établissement dont ils ne peuvent jouir mais de la liberté de circulation des capitaux.


La loi nouvelle s’applique aux cessions ou rachats réalisés à compter du 30 juin 2021. Pour les opérations intervenues précédemment et alors même que l’administration a déféré l’arrêt « Runa » de la CAA Versailles devant le Conseil d’Etat, la messe semble bien dite : la malfaçon législative qui vient d’être corrigée devrait entraîner l’exonération totale de la plus-value réalisée par la société étrangère, fût-elle résidente d’un Etat tiers et quel qu’était le taux de détention de sa participation.