(CE 13 octobre 2021, n° 452773)

On sait qu’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat considère que conformément à la lettre de l’article 150-0A du CGI, le fait générateur de l’impôt sur la plus-value de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux est constitué par le transfert de la propriété des titres cédés (voir par ex. CE 25 janvier 2017, n° 392063 et 392065). Dès lors, le fait que le prix effectivement encaissé par le cédant s’avère finalement inférieur à celui convenu par les parties ne permet pas à ce dernier d’obtenir une révision de son imposition.


C’est cette règle qu’un contribuable a décidé d’attaquer frontalement en saisissant le Conseil d’Etat d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité portant sur la question de savoir si cette règle ne serait pas contraire à l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 relatif à l’égalité devant les charges publiques. QPC que le juge suprême administratif vient de transmettre au Conseil Constitutionnel.


En l’espèce, le cédant avait apparement consenti à l’acquéreur un crédit-vendeur et par suite de la défaillance de ce dernier, n’avait pas été réglé du solde. Si la jurisprudence avait appliqué l’article 12 du CGI aux plus-values de cession de valeurs mobilières, il n’aurait été imposable que sur les sommes effectivement perçues au titre de l’année de leur encaissement, comme c’est le cas pour les revenus fonciers par exemple. Mais comme le juge de l’impôt a logiquement fait prévaloir sur ce texte général la règle spéciale édictée par l’article 150-0A du CGI, l’impôt sur la plus-value totale était bien dû dès la cession et c’est l’absence d’un mécanisme correcteur lui permettant d’obtenir la révision de son imposition que critique le contribuable victime d’un défaut de paiement.


Il est vrai que cet article prévoit divers mécanismes pour éviter que le cédant ne subisse la mésaventure d’avoir à acquitter in fine un impôt supérieur aux sommes effectivement perçues. C’est ainsi que lorsque la cession prévoit un complément de prix, celui-ci n’est taxable que lors de son encaissement. De même, si la vente est ultérieurement résolue, le vendeur peut demander le dégrèvement de son imposition initiale. L’auteur de la QPC ne demande finalement au Conseil Constitutionnel rien d’autre que de lui réserver un traitement similaire.


La difficulté que cette QPC va devoir affronter est que si notre juge constitutionnel manie la gomme, il ne dispose pas du stylo. Il ne peut donc pas intégrer directement dans notre droit un mécanisme correcteur que la loi ne prévoit pas. Toutefois, en supposant qu’il reconnaisse que l’absence de toute possibilité de correction soit contraire à l’égalité devant les charges publiques, il pourra valider l’article 150-0A avec une réserve d’interprétation qui permettra aux contribuables concernés d’obtenir la révision de leur imposition en cas de défaut de paiement d’une partie du prix.


Il pourra aussi rejeter la QPC car il est parfaitement loisible aux vendeurs tenus de consentir un crédit à leur acquéreur de prendre des sûretés ou d’intégrer dans la vente des stipulations leur permettant de se protéger contre ce type de mésaventure, comme par exemple une clause de réserve de propriété. Car après tout, la Constitution n’est pas non plus là pour protéger les individus imprudents qui ne gèrent pas leurs affaires en « bon père de famille ».


Réponse dans trois mois.